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vendredi 4 novembre 2011

Au lycée caca, au lycée toto, au lycée catholique

lundi 16 mai 2011



Mes bien chers frères, mes bien chères sœurs, imaginez ce qu'était un lycée "libre", comme y disaient, il y a une bonne quarantaine d'années.

D'abord, vos parents et vous-mêmes, jeune ado en pleine croissance, vous présentiez devant le Rrrévérend Père Supérieur, chanoine de l'église du cru, apologiste renommé, et tutti quanti. Nous passerons sur sa difficulté à ne point postillonner abondamment, tare physique qui peut arriver à tout le monde. Sa retraite abondamment pourvue de livres pieux, d'images qui ne l'étaient pas moins, rappelait plus celle d'un vieux philosophe chenu que du fringant manager d'une Sup de Co de luxe. Sa soutane fatiguée soulignait l'ascèse certainement réelle à laquelle il se soumettait.

Le cher homme nous avait alors convié à une visite des lieux, essentiellement l'internat pour les Secondes, le petit parc, le labo assez vétuste pour les sciences physiques, le réfectoire des "grands" car l'institution avait aussi une partie Collège. On peinait pour lui de le voir s'essouffler en raison d'une corpulence manifestement due à une maladie. La salle de classe, unique (ce sont les professeurs qui se déplaçaient, non les élèves) n'était pas accessible.

C'est ainsi que je me suis retrouvé dans un nouvel environnement d'internat, plus discret qu'auparavant puisque j'avais connu les longs dortoirs anonymes du collège auparavant, dans une autre ville. Là, au moins, chacun avait son box spartiate, mais intime.

C'est ainsi que j'ai connu les joies de la vie de lycéen. La seconde année, les box étaient aménagés "au Carmel", un ancien carmel de religieuses où le couloir des classes s'intégrait dans le promenoir des nonnes. Celui-ci avait été isolé du jardinet central par des vitres, précaution précieuse en hiver. Cela n'empêchait pas de devoir parfois subir les offices et les complies du dimanche soir à la chapelle, comme il se doit dans un pareil environnement. Seule différence avec le collège : les fins de semaines se passaient désormais à la maison en général.

Nos enseignants, qui donc se déplaçaient entre les classes exception faite des sciences physiques ou naturelles, étaient généralement des "pères", prêtres non curés, avec la longue soutane qui les couvrait entièrement. Ils étaient en short en-dessous, comme avait lâché l'un d'eux arf arf... Très sympathiques, du moins ceux qui étaient intelligents, ils avaient très souvent des conversations avec les élèves pendant les récrés, et ils n'hésitaient pas à convier des groupes à venir les voir chez eux, dans les chambres où ils avaient leur quartier de vie. C'était plein de bouquins, souvent spécialisés. Le prof d'anglais, qui utilisait son salaire à passer tous les ans un mois chez les British (ouf la nourriture), avait non seulement un accent parfait, mais aussi un vrai attirail de peintre (il était aussi prof de dessin), et des flûtes traversières magnifiques dont il jouait comme un pro.

Quant au prof de sciences physiques, sa tanière était emplie de musique. Il possédait, chose rarissime à l'époque, une chaîne stéréo de bonne facture et une belle collection de disques de tous genres, que nous pouvions écouter sans problème quand il était là. Bel homme, il faisait un malheur sur les plages de la région. Je n'ai pas été surpris, plus tard, d'apprendre qu'il avait défroqué pour vivre une vie "normale" avec femme et enfants.

Il y avait aussi "la" prof de sciences nat, une vieille dame sans doute ancienne étudiante en médecine (elle avait épousé un généraliste) qui était un sujet d'étude à elle toute seule. Ses commentaires étaient émaillés de mots tout faits, du genre "entièrement", "à ce moment-là", dont les plus facétieux notaient la fréquence pendant les cours. Sa compétence était sans faille. Bénéficiaire (sic) d'une section sans doute oubliée, M prime, j'avais comme d'autres les sciences nat (on doit dire aujourd'hui sciences de la vie et de la terre) renforcées, avec beaucoup d'heures par semaine, souvent deux heures consécutives, à la place d'une seconde langue. Bizarre, non ?

Enfin, il y avait le prof de maths. Science ingrate pour moi, dont cet homme estimable avait décrété que je ne serais jamais matheux un jour où dans un exercice, je n'avais pas décelé que le truc pour résoudre celui-ci était le théorème de Pythagore. Cela n'avait pas empêché cet homme estimable de me proposer une soirée astronomie pour moi tout seul : il avait apporté une lunette astronomique (il savait que la chose m'intéressait beaucoup), et jusqu'à plus de 10 heures du soir nous avons ensemble traqué étoiles et planètes. Grâce à lui j'ai pu voir les satellites de Jupiter, du moins les plus gros. Remarquable, non ?

Pour mes condisciples, rien de remarquable. A partir de la Première j'ai pu me lancer dans les joies et les affres du Bridge, le jeu de cartes, pendant que d'autres s'éclataient avec des ballons de caoutchouc souple sur les cours de récréation. Chacun son truc. Un type de Terminale s'escrimait, récré après récré, à sculpter un visage sur un angle de mur de la limite de ce terrain de récré. L'année suivante, un autre tentait à tout prix à se prendre pour la vedette sur le terrain de sports. Plus tard, leader politique, il dut s'éclipser modestement (un comble pour lui) en raison de graves accusations sexuelles entre ses fils.

J'ai connu ainsi plein de gens, des plus normaux, à des pointures qui osent se lancer dans l'arène nationale. Ainsi, un ami, qui depuis a été maire d'une ville importante, sénateur, mais aussi dont la mère, le jour de l'oral (obligatoire alors) du Bac que nous avons passé ensemble, m'a offert un café en attendant de passer l'épreuve dans la préfecture de région, reste précieux dans ma mémoire. Dans le petit journal (très) périodique des élèves, il avait osé apprécier positivement un texte que j'y avais proposé.

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