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mercredi 20 juin 2012

Faut-il payer la dette ?

Faut-il payer la dette ?

Esther VIVAS

La dette constitue aujourd’hui une question centrale dans l’agenda politique et social. C’est en son nom qu’on applique les privatisations, les mesures d’austérité et, en définitive, le transfert du coût de la crise sur le dos de la majorité de la population.


Il faut d’abord se poser ces questions : à qui profite la dette ? Qui l’a contractée ? A quoi a-t-elle servit ? Qui doit la payer ? C’est à ces questions que cherchent des réponses ceux qui, au sein du mouvement des Indignés, mettent en avant la nécessité d’un audit citoyen des dettes. 

Au cours des décennies ’80, ’90 et 2000, nous avons pu constater l’impact de la dette extérieure sur les peuples du Sud de la planète, au travers de l’application systématique de programmes d’ajustement structurel et de mesure d’austérité dans les dépenses sociales qu’on présentait comme « nécessaires » pour garantir son remboursement.

Depuis 2010, avec l’éclatement de la crise de la dette souveraine, cette dernière est devenue une question clé également dans les pays de l’Union européenne, et particulièrement dans ceux de sa périphérie, où se condensent les contradictions de la crise actuelle.

La dette externe a été un instrument de contrôle et de domination utilisé par les élites politiques et économiques du Nord par rapport au pays du Sud, ainsi qu’un puissant mécanisme de transfert de ressources financières des seconds vers les premières. Aujourd’hui, c’est la même logique de soumission centre-périphérie qui se reproduit, mais cette fois ci au cœur de l’Europe, et ce sont les mêmes recettes d’ajustement et d’austérité qui y sont appliquées afin de payer la dette.


Mais la répudiation des dettes a été un phénomène constant tout au long de l’histoire. La doctrine de la « dette odieuse » qui, en droit international est utilisé pour répudier une dette contractée par un gouvernement qui l’a utilisée contre son peuple, a été évoquée et appliquée à plusieurs reprises tout au long des XIXe, XXe et XXIe siècles.


Depuis plusieurs années, des mouvements sociaux des pays du Sud mènent des campagnes qui dénoncent le caractère illégitime de la dette et, en conséquence, la cessation de son paiement. Les audits ont été l’un des principaux instruments utilisés à cette fin. L’expérience la plus significative fut celle menée à bien par l’Equateur où, en 2007, fut mise sur pied une Commission d’Audit Intégrale de la Dette Publique Interne et Externe, composée par des représentants de l’administration publique et des mouvements sociaux équatoriens et d’autres pays. Son travail avait permis d’aboutir, en 2008, au rejet du remboursement d’une partie de la dette qui fut déclarée illégitime.

Le processus d’audit rend possible la recherche du pourquoi les dettes furent contractées, à quoi ont-elles servit et à qui ont-elles bénéficié ? Il permet de mettre en lumière ses irrégularités, révéler les complicités des créditeurs et obtenir ainsi les arguments légaux afin de la répudier. Il s’agit d’un instrument profondément pédagogique qui permet de mettre en discussion le fonctionnement de l’Etat, de l’économie de marché, des relations institutionnelles et d’éclairer les coulisses obscures du pouvoir.

Avec la crise de la dette en Europe, des organisations et des mouvements qui, au cours des dernières décennies travaillaient sur des campagnes de répudiation de la dette externe des pays du Sud, commencent aujourd’hui, ensemble avec le mouvement des Indignés, à promouvoir des actions de dénonciation du paiement de la dette et d’explication sur l’articulation entre cette dernière et les mesures d’austérité, les privatisations et l’augmentation de la précarité.

Dans l’objectif de promouvoir un débat public et la participation populaire dans la prise de décision sur la dette, pour rompre avec le discours hégémonique sur le caractère « inévitable » de son paiement, les processus d’audit sont devenus l’un de leurs principaux instruments. Leur application devrait permettre, en s’accompagnant d’une grande mobilisation sociale, d’annuler la partie illégitime de la dette et de réduire significativement le reste. Dans des pays comme la Grèce, le Portugal, la France, la Belgique, l’Irlande, l’Italie et l’Etat espagnol, se mettent en marche des campagnes citoyennes pour l’audit de la dette.

De cette manière, face aux discours hégémoniques selon lesquels il faudrait « sauver les banques » ; « équilibrer les finances » ; « payer la dette », commence à émerger un autre discours : « sauver les familles » ; « éliminer la pauvreté » ; « ne pas payer la dette ». Car, quel est le sens d’injecter massivement des sommes publiques dans des entités financières telles que Bankia, si ce n’est pour garantir le maintien des privilèges d’une minorité sur le dos des droits et des besoins sociaux de la majorité ? Comme le souligne justement le mouvement Occupy Wall Street, on sacrifie les 99% pour sauver le 1%.

Les vérités absolues avancées pour faire face à la crise commencent à se fissurer. Une autre conscience collective émerge à partir d’en bas et elle commence par cette interrogation : « Faut-il payer la dette ? » Et la réponse est claire.
Esther Vivas
militante altermondialiste. Elle vient de publier, avec Josep Maria Antentas, l’ouvrage “Planeta indignado. Ocupando el futuro” (Ed. Sequitur).
**Article publié dans « El Huffington Post », le 14/07/2012.
***Traduction française : Ataulfo Riera

+ info : http://esthervivas.com/francais
URL de cet article 16994
http://www.legrandsoir.info/faut-il-payer-la-dette.html
 
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Intéressants, les commentaires qui suivent. Cependant, je n'ai pu que répondre à l'un deux, qui me paraissait tout-à-fait inadéquat, ici : (je commence par le commentaire que je conteste)
 
19/06/2012 à 17:20, par Navajo101
1/ la dette générale n’est pas remboursable, elle représente bien + que les ressources mondiales. L‘argent que les banques prêtent n‘existe pas, elles le créent, juste des écritures sur des comptes, une escroquerie quoi.
Je ne pense pas que les remboursement de la dette soit le but. Par contre les intérêts, eux bien réels, sont le fruit du travail. Je sais, ce n’est pas forcement simple à comprendre, parce qu’on nous a bourré le mou depuis l’enfance sur le fonctionnement des banques et de l’économie.
La preuve ? Nous avons aujourd’hui 1700 milliards de dette en France et nous avons payé 1400 milliards d’intérêts depuis 40 ans (en gros)
2/ pourquoi ne pas envoyer les banques se faire voir chez Plumeau ? Tout simplement parce que c’est la vie des décideurs (pas trop eux, parce qu‘on ne sait pas trop qui ils sont et où ils se trouvent) mais surtout de nos politiques qui est en jeu, physiquement -
Que se passerait il si les banques fermaient ? Si chèques, cartes et DAB ne fonctionnaient plus ?
Une fois les magasins de bouffe pillés, à qui irions nous demander des comptes ? chacun peut imaginer, suivant qu’il soit optimiste ... ou pas

et ma réponse.

Justement, l'intérêt de la dette, ce sont des sommes qui s'ajoutent aux avances de trésorerie, se cumulent, et finissent par devenir l'essentiel de la dette. Avec les taux énormes pratiqués aujourd'hui, l'effet boule de neige est colossal. C'est cela, précisément, qu'il faut combattre. Souvent, maintenant, le capital de la dette est simplement composé de sommes servant à "boucher les trous", et à payer ces #$¥£*! intérêts.

S'ajoute à ce phénomène le détournement des emprunts publics vers des fortunes privées.

Il faut procéder en deux temps. Re-séparer les établissements de simple dépôt des officines spéculatives, et puis appliquer à celles-ci le non-remboursement des sommes non-dues. Le grand public ne sera pas touché. En revanche, les spéculateurs s'effondreront. C'est là un but politique. Car la plupart du temps, c'est avec cet argent accumulé hors de raison, que fonctionnent pressions et corruption à grande échelle.

3 commentaires:

  1. Bon texte, j'avais découvert cette notion de dette odieuse en regardant l'excellent Debtocraty.

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  2. je remarque qu'il n'y a pas d'onglet twitter et facebook, c'est pourtant utile pour diffuser ;-))

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  3. Twitter, Facebook ? Je ne suis inscrit ni à l'un, ni à l'autre.

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