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vendredi 29 juin 2012

« l'Icône » AUNG SAN SUU KYI

C'est avec émotion que je retranscris ici un billet de mon ami Rem*, paru en premier sur "Ruminances". Qu'il en soit remercié. Grâce à lui, la Dame de Birmanie prend une dimension encore plus grande. J'y ai joint des réactions prises sur le site initial.

« l'Icône » AUNG SAN SUU KYI


Première difficulté : elle a un nom à coucher dehors, la Dame, surnommée «l'Icône de Birmanie ». C'est pourquoi, plus loin, je la nommerai « l'Icône » ou « la Dame » (majuscules justifiées!). 
 
La Dame a maintenant 67 ans et en paraît 10 ou 15 de moins. Son père, héros de l'indépendance birmane, fut assassiné un an avant l'Indépendance (enfin acquise en 1948), alors que sa fille avait 2 ans. Même sans souvenir physique de lui, elle a cultivé l'énorme héritage reçu de son père : intellectuel, politique et sentimental....

Mais c'est vers l'Avenir, celui de son peuple, que cette intrépide femme a toujours été orientée – et aujourd'hui plus que jamais. Avec une lucidité, une obstination et une courageuse conviction de non-violence qui fait qu'on la compare souvent au Mahatma Gandhi, dont elle reconnaît d'ailleurs la profonde influence philosophique... Alors qu'elle se revendique par ailleurs très fidèle à ses racines bouddhistes – mais sans trop s'attacher à ses rites vieillots qui font souvent classer le bouddhisme parmi les diverses religions (même sans « révélation divine », etc.). Mais, pour elle comme pour beaucoup, il s'agit bien plus d'une immense et sage «école de pensée», via la méditation, vers l’ÉVEIL de soi : « trouver sa voie »!... Sans hostilité ou mépris, mais avec compassion envers tout autre humain, athée ou d'une religion quelconque! Et envers toute vie, aussi!

Avant son actuelle prestigieuse tournée en Europe, il y a 25 ans qu'elle n'était pas autorisée à sortir de Birmanie, où elle a été 15 ans privée de liberté (par assignations à résidence). Elle eut pourtant une exceptionnelle permission de sortir, à la mort de son très cher mari, Britannique, dans son île natale : mais, héroïquement, elle refusa de quitter son pays, sachant que la Junte au pouvoir risquait fort de lui refuser de revenir en Birmanie!
Ce deuil cruel date de 1999, et cet homme admirable, féru de cultures asiatiques (dont elle a eu deux fils) lui a toujours a été d'un immense soutien, faisant mondialement publier et donc connaître son combat pacifique. C'est sans doute à partir de cette époque que les Birmans, même opposés à son orientation politique (celle de liberté du peuple, vaste programme!) ont été très respectueux de sa singulière et forte personnalité, au point de la surnommer « l'Icône du peuple ». 
 
Le livre « Freedom from Fear » («Se Libérer de la peur» : j'ignore si cela à paru en français) est, avec un recueil de ses « lettres ouvertes et discours », ce qui avait convaincu le comité scandinave de lui attribuer le Prix Nobel de la Paix en 1991. Bloquée en Birmanie, elle fut représentée à Oslo par son mari et leurs deux fils. 21 ans plus tard, il y a quelques jours, elle est venue « au jury des Nobel » faire son discours de remerciements : occasion (comme toujours) de plaider la cause non-violente du combat du peuple birman pour la justice sociale et la liberté!

Un exemple parmi d'autres de son « aura » populaire : tant qu'elle le put elle se déplaça un peu partout en Birmanie, bravant diverses intimidations de la Junte. Elle finit enfin par faire à Rangoon un discours vibrant, devant des milliers de personnes. Prise de panique, la Junte décréta une interdiction de rassemblement de plus de 4 personnes et la remit en étroite résidence surveillée. Cela gêna mais n'empêcha pas l'essor de son vaste et souple mouvement politique : c'était trop tard, elle trop intelligente et cultivée et la Junte trop bête et inculte!
*
Ce mercredi 27 juin, la Dame était une invitée bien exceptionnelle aux «matinales de France-Inter», applaudie à son arrivée! Elle a pu largement s'exprimer, répondre à d'intelligentes questions d'auditeurs. Ayant dit son admiration pour la langue française, qu'elle comprend et lit sans oser la parler, une journaliste lui a lu quelques lignes du très beau livre de Victor Hugo «l'Homme qui rit», qui semblent être écrites pour l'actualité du combat de « l'Icône »!...

Elle a conclu l'entretien en affirmant la fin prochaine de l'actuel Junte au pouvoir, qui a l'air très au bout du rouleau, en effet et enfin : mais la première vraie victoire populaire viendrait d'une Constituante capable d'abattre les carcans juridiques antidémocratiques, à commencer par le pire : «Le Chef des Armées peut prendre tous les pouvoirs»!!...

« La vérité, la justice et la compassion sont souvent les seules défenses contre le pouvoir impitoyable. » (Aung San Suu Kyi, « Freedom from Fear »)


Réactions

Une Dame admirable, en effet. Et un texte non moins admirable, de justesse et d'exhaustivité. C'est une Dame comme celle-là qu'il nous faudrait en Europe, et non ces apparatchiks le front courbé sous les injonctions de quelques banquiers harpagonides.

Bien sûr, nous avons des Alexis Tsipras, des Jean-Luc Mélenchon qui se battent eux aussi, mais ce sont ceux que le public pense être du même "bord" qu'eux qui les ont le mieux trahis (le KKE arc-bouté sur des principes sans avenir, le PS prolongement inconsistant de la droite et allié objectif du libéralisme). En revanche, leur combat est bien plus récent, et l'espoir est pour plus tard désormais. Ils ne sont pas parfaits, sans doute, mais c'est ce que nous avons de mieux sous la main.
Sur le Cri du Peuple, j'ai trouvé à l'instant un poème qui pourrait s'appliquer à cette Dame, en fait.

Et maintenant nous chanterons l’amour
Car il n’y a pas de Révolution sans Amour,
Il n’y a pas de matin sans sourire.
La beauté sur nos lèvres est un fruit continu.
Elle a ce goût précis des oursins que l’on cueille l’aube
Et qu’on déguste alors que l’Oursin d’Or s’arrache aux brumes et sur les vagues module son chant.
Car tout est chant – hormis la mort !
Je t’aime !
Il faut chanter, Révolution, le corps sans fin renouvelé de la Femme,
La main de l’Ami,
Le galbe comme une écriture sur l’espace
De toutes ces passantes et de tous ces passants
Qui donnent à notre marche sa vraie lumière,
À notre cœur son élan.
Ô vous tous qui constituez la beauté sereine ou violente,
Corps purs dans l’alchimie inlassable de la Révolution,
Regards incorruptibles, baisers, désirs dans les tâtonnements de notre lutte,
Point d’appui, points réels pour ponctuer notre espérance,
Ô vous, frère et sœurs, citoyens de beauté, entrez dans le Poème !

(extrait de Citoyens de beauté, par Jean Senac, poète algérien)

(proposé par Tom6775)

@ babelouest - A 5h du matin tu faisais, en 1° commentaire, le rapprochement entre « La Dame de Birmanie » et Alexis Tsipras ou Jean-Luc Mélenchon, qui sont, concluais-tu « ce que nous avons de mieux sous la main ».

D'accord, je te comprends – et j'y reviendrais -. Mais d'abord, une première réflexion, sur ce que tu écris plus haut : « C'est une Dame comme celle-là qu'il nous faudrait en Europe » : je pense que l'on a, plus ou moins (culturellement et politiquement) ce que l'on mérite : hélas, ici hier la Dame de Fer (GB) et aujourd'hui la Dame de Prusse & de l'€...! (laissons tomber les fariboles belles dames élyséennes). Je veux dire, plus sérieusement que, femme ou homme, le personnel politique important, en Asie, en Europe et partout, est toujours lié au contexte culturel régional : ici, peu à peu – et tant mieux! - nous nous sommes (un peu!) allégés du poids des traditions chrétiennes, cette chape de plomb qui, sous couvert de beau (exact!) message évangélique, avait hypocritement fait main-mise sur les affaires politiques, depuis... l'Empereur Constantin (c'est pas hier!), peu à peu (dont Franco, hier)!

Il y a certes ce genre d'hypocrites manœuvres en Asie (par ex. l'Empereur du Japon, déifié de par la religion locale, lointainement dérivée du bouddhisme mais dont elle a trahi l'esprit). Mais la très grande différence entre ces religions dogmatiques et les différentes « écoles de pensée » plus ou moins bouddhistes (même en Chine de Confucius ou Lao Tseu, ainsi qu'en Corée, Vietnam, Tibet, etc. et jusqu'en « hindouiste » Inde), c'est que ces « écoles de pensées » sont rarement (et par trahisons de l'enseignement bouddhiste) à la conquête du pouvoir : en tout, très loin de cet appétit de puissance politique si typique de la Papauté et autres « ayatollahs » genre Luther ou Calvin!!

Certes, « l'Icône birmane » est aux portes du pouvoir. J'ai lu quelque part cette réflexion futée à son propos : « elle a zéro pouvoir, donc elle a tous les pouvoirs! »... et cela va très loin!

Cela va de la vision « morale » dominante sur la vision « politique » ou de l'inverse : pas encore l'idéal utopiste (= à venir) qu'elle soit unifiée, c'est à dire humaniste, au sens strict.
C'est dire que « l'humain d'abord », du FdG ou le radicalisme du mouvement dirigé par Tsipras vont dans le bon sens de « moraliser la vie politique », au lieu de toutes les combines et corruptions des partis (droite et gauche) du grand marais central des crocodiles affamés de Pouvoir, de Puissance!

Dans ce sens, la Dame est plus proche du sage Gandhi, ou de Luther King, ou de Lanza del Vasto (qui fonda « l'Arche » au Larzac), ou de sages (comme Anté Diop, sauf erreur, de la tradition soufiste, etc.)... que de Mandela, à qui on la compare aussi : certes l'indomptable sud-africain est devenu un très grand sage, et bravo! Mais dans le contexte abominable de l'apartheid, il fut surtout un grand chef politico-militaire, à fond pour la lutte armée de libération. Comme le monde est petit, Gandhi avait commencé sa vie publique (et sa méditation) en Afrique, où, jeune avocat, il défendait la communauté immigrée indienne, coincée entre Blancs (dominants en pouvoirs) et Noirs (dominants en démographie) : vaste laboratoire d'expériences politique et morale qui l'a formé!

Comme il y a toujours exception à la règle, il y a en France « le cas de de Bollardière », le seul général qui dénonça la torture pratiquée par l'armée en Algérie et qui, depuis, évolua de sa tradition chrétienne et militaire à ...la non-violence et au bouddhisme! : mais stop, je pourrais (devrais?) en faire tout un article!!

note – j'ai été retardé dans ma réponse par différents soucis, notamment de soins (kiné...). Je pense toujours à finir et envoyer la bibiographie autour de « la dame », soit pour plus tard, soit demain!

1 commentaire:

  1. Merci, l'ami babel, d'avoir vite et bien reproduit cet article, d'avoir notamment rajouté en fin de mon commentaire mis en annexe, un lien sur le général de Bollardière (je ne connaissais pas ce doc, même si je suis ami de sa veuve, présidente d'honneur de l'association des "Anciens Appelés en Algérie et Amis Contre la Guerre" ("4acg" - voir ce site), dont je suis adhérent.
    J'ajoute, pour tes lecteurs, que tu as utilisé ma version retouchée (plus, par toi, portrait et carte) de ce qui avait paru sur Ruminance, envoyé un peu vite, par nécéssité !

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