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jeudi 29 août 2013

Un grand merci à Assawra : Syrie, l'Enjeu

C'est un travail énorme.  Walid Attalah s'est attelé à démonter tout l'historique de la Question de Syrie. 

(le Monde Diplomatique nous apporte là une carte essentielle)
 Assawra en publie l'intégralité, en voici quelques extraits. Nous ne saurions trop recommander à tous de reprendre toutes ces pages, essentielles pour comprendre la complexité de cette affaire, instrumentalisée, sur-instrumentalisée par les puissances du monde aux dépens de la population syrienn.


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L’enjeu

jeudi 29 août 2013, par Walid Atallah

Beaucoup s’interrogent sur la situation en Syrie, sur les parties en présence et les enjeux en cours.

Il est un fait que la concurrence médiatique entre les parties avec la surenchère et certainement des mensonges n’aide pas vraiment à comprendre.

Il y a certainement des enjeux économiques et des enjeux pour la résistance contre les plans impérialistes-sionistes dans la région du Moyen-Orient.

Mais il y a un autre enjeu dont on ne parle pas beaucoup ; c’est celui de l’avenir des peuples de la région, de la liberté des individus et de la démocratie.

Alors il faut prendre la peine d’y voir clair : déterminer les parties en présence et leurs intérêts, leurs positions afin de comprendre la situation actuelle et ce qui peut se passer à l’avenir et prendre position.

Chronologiquement il faut noter que les mouvements de protestations qui ont débuté en Tunisie en décembre 2010 et qui se sont propagés en Egypte, en Syrie, au Yémen, au Bahreïn… ont sans aucun doute ouvert une nouvelle phase historique pour les peuples de la région, pleine d’espoir de liberté, de démocratie, de droits et de justice.

Si en Tunisie, en Egypte et au Yémen ces mouvements (toujours en cours), ont abouti à l’éviction des présidents en place et à ébranler les régimes qui n’ont pas complètement disparu, il n’en fût pas de même au Bahreïn où la révolte a été matée par des troupes saoudiennes et jordaniennes. Quant à la Syrie, ni le président ni le régime ne sont tombés malgré les mouvements de protestations pacifiques et d’autres armés.

Les évènements ont commencé en Syrie quand en mars 2011, après les événements en Tunisie et en Egypte, il y a eu au sud du pays dans la ville de Derr’a un petit événement qui allait lancer une dynamique qui dure jusqu’à aujourd’hui.

Prenant exemple sur les événements en Tunisie et en Egypte, une quinzaine d’enfants de 10 à 16 ans ont tagué sur des murs de la ville des slogans pour la liberté. La sécurité politique (l’un des services du régime – une quinzaine) les a arrêtés et torturés. Leurs parents sont allés demander leur libération avec des responsables de clans tribaux dans cette région.

Le responsable de la sécurité politique les a humiliés et n’a pas libéré les enfants. Des manifestations populaires régulières ont alors commencé pour demander leur libération avec leur lot de morts et de blessés. Ces dernières commençant à prendre de l’ampleur, le régime a muté ce responsable dans la ville d’Edleb au nord-ouest de la Syrie.......


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On peut dire aujourd’hui avec certitude :
. Que les projets politiques communiste, nationaliste, islamiste ont échoué dans la région parce qu’ils n’étaient pas démocratiques dans leur essence et leur organisation, même s’ils ont obtenus des victoires importantes contre le colonialisme et pour la liberté des peuples ainsi que certains droits. Un des cas d’échecs des nationalistes par exemple est d’avoir méprisé – cas de l’Algérie – les populations berbères non arabes, ou les Kurdes au Machrek…..

. Que les femmes sont méprisées et exploitées ainsi que les enfants dans tous ces pays.

. Que la corruption est le système de fonctionnement présent dans ces pays ainsi que l’absence, le manque ou la faiblesse de services publics comme la santé, l’éducation, …..

Et que la répression est la règle d’or de ces régimes.

Seulement, les hommes, les femmes et les enfants ne veulent pas vivre éternellement l’échine courbée, sans droits et sans liberté.

Pour conclure, le seul véritable enjeu et la seule véritable solution, c’est la démocratie et la justice sociale dans des États de droit. En Syrie comme ailleurs, la solution tient en trois mots ; TRANSFERT DEMOCRATIQUE DU POUVOIR. Tant que la question du transfert du pouvoir n’aura pas été réglée, les populations se soulèveront, les régimes réprimeront, certains Etats ou organisations interviendront, etc…..

Walid Atallah
Le 29 août 2013

mercredi 28 août 2013

Syrie : avertissement au gouvernement français

Ainsi donc, le président français a sauté le pas.

"La France est prête à punir ceux qui ont pris la décision infâme de gazer des innocents" en Syrie, a affirmé le président François Hollande lors d’un discours de politique étrangère devant les ambassadeurs français réunis à Paris.
"Aujourd’hui, notre responsabilité est de rechercher la riposte la plus appropriée aux exactions du régime", a ajouté M. Hollande martelant que "le massacre chimique de Damas ne peut rester sans réponse". *

Le président français ne sait pas qui a osé utiliser le gaz sarin contre des civils, alors que des inspecteurs de l'ONU étaient à Damas. La provocation est pourtant manifeste : seuls les envahisseurs Wahhabistes ont intérêt ainsi à attaquer la population, alors que les troupes loyalistes ont déjà repris presque tout le territoire. Or, le contenu même de la déclaration de l'Élysée pointe du doigt le gouvernement de Damas. Il ne menace pas les islamistes, pourtant l'évidence de leur culpabilité est manifeste. On dit toujours "Cherchez à qui le crime profite". Les mercenaires du Qatar, du régime saoudien et d'ailleurs brûlent là leurs dernières cartouches, avec l'espoir de faire retomber la faute sur le régime qui les a battus.

Si la France prend, par l'entremise de son président, l'initiative de se joindre à l'agression étatsunienne imminente sans mandat des Nations-Unies, comme le précise la rédaction d'Assawra,
"Ce faisant, le président français envisage donc une entorse à sa propre doctrine qui voulait jusqu’à présent que la France ne prenne part à aucune intervention militaire sans le blanc-seing du Conseil de sécurité de l’ONU." *
la France se met en faute vis-à-vis de la législation internationale, et doit être durement sanctionnée. Nous, citoyens, devrons lui dire que ce gouvernement se rend coupable, et devra rendre des comptes devant tous.

Un tribunal du Peuple devra se réunir, et juger les personnes impliquées dans ce coup de poignard dans le Droit qui régit les relations entre les Nations. Nul ne devra être exempt en raison d'une immunité de fonction, puisque cette immunité ne pourra couvrir un tel crime commis précisément dans le cadre de ces fonctions.

Il est encore temps pour la diplomatie française de faire un pas en arrière, et d'accepter les résultats d'une enquête neutre à laquelle ne pourront participer aucuns des soutiens aux mercenaires ("Occidentaux", royaumes islamistes extrémistes). Son intérêt à long terme sera même éventuellement de concourir à châtier les auteurs de ces crimes, même et surtout contre les déclarations fracassantes du régime de Washington. La France redeviendra crédible aux yeux des Nations, alors qu'actuellement elle n'est plus que l'ombre d'elle-même.

* les citations proviennent d'un article d'Assawra

Washingto delenda est

mardi 27 août 2013

Le veau d'or : du symbole à la divinité incontournable qui détruira le monde

Même pour un non-croyant, il est parfois intéressant de se plonger dans de vieux livres, aux contenus souvent intéressants.  Ainsi,si l'on reprend dans une traduction littéraire de la Bible le chapitre XXXII de l'Exode, intervient l'épisode curieux du Veau d'Or. Une seconde lecture attentive révèle non une stupide adoration d'idole, mais une symbolique digne d'enfants.  Le fameux Moïse est depuis longtemps parti s'isoler sur une montagne en compagnie d'un certain YHWH, qui veut le briefer sur la suite.  

L'attente s'éternise, et ce groupe de personnes en plein désert commence à paniquer. D'où l'idée de demander au frère de Moïse de les rassurer, et  c'est lui qui propose ce symbole de la divinité, du Guide, qui selon la période de précession est alors le bœuf (Apis, les bœufs mésopotamiens, etc) auquel succédera le bélier, puis les poissons, puis le Verseau. Rien de révolutionnaire, c'est le symbole du moment. C'est une façon de fixer l'attention, comme le serait de nos jours un chapelet par exemple. Ou la syllabe Om ailleurs.

On a voulu stigmatiser cet incident, à propos de l'or. C'était bien autre chose. Et  des détracteurs s'en sont emparés, pour mettre à l'index des personnes ayant conservé précieusement les textes anciens sans les modifier. On notera ainsi que si YHWH est le donateur de ce qui est écrit sur les Tables de la Loi, ce texte est écrit dans une langue que ne sait pas lire le bon peuple (probablement illettré d'ailleurs, excepté quelques érudits), la langue des Elohim (XXXII, 16). Ce détail est significatif.

Le temps passa, les dépositaires avaient fini par transcrire à l'écrit en Hébreu, langue curieusement  fixée dès le départ semble-t-il, les textes de la tradition orale.  Peut-être pour que cet héritage ne soit pas altéré, ils vivaient à part et les continuateurs du singulier Constantin les traitaient comme tels. A  l'instar des Templiers, ils s'occupaient du financement des commerçants et des pélerins puisque la plupart des métiers leur étaient refusés. Bien entendu,ils n'étaient pas les seuls sur ce "marché"  une fois les Templiers tués ou dispersés, mais ce sont toujours eux que "le bon peuple" (et aussi les Grands, par intérêt) qualifiait d'usuriers. Un certain Jacques Cœur ne l'était pas moins. Ces prêteurs étaient dès le XIIIe siècle qualifiés de "lombards" parce que souvent ils étaient de cette région de l'Italie.

Plus tard, après un sévère temps d'arrêt causé par la Peste Noire, où souvent les juifs furent accusés de l'avoir provoquée  et furent massacrés, le commerce reprit : c'était la période des grandes découvertes,  et les plus avisés se révélèrent les Anglais qui supplantèrent Venise, puis les Hollandais. La compagnie britannique des Indes Orientales, fondée le 1er janvier 1600, ne fut dissoute qu'en 1874. Naturellement, des prêteurs s'installèrent à Londres. Quelques-uns, renouant avec le métier du moyen âge, étaient juifs. Le plus célèbre fut comme on s'en doute Mayer Amschel Bauer, dit Rothschild, né en 1744 et mort en 1812. On notera que la Banque d'Angleterre existait alors déjà depuis 1694, créée par des financiers et des marchands. Déjà des personnages spéculaient, mais sur le réel comme la magistrale opération de Nathan Rothschild, le fils du premier, à l'occasion de Waterloo (1815).

Le XIXe siècle fut l'occasion d'affaires en or pour des banquiers comme les frères Pereire qui financèrent les travaux du baron Hausmann. Malgré les énormes profits, il s'agissait toujours d'opérations saines même si elles rendirent petit à petit la possession de logements à Paris difficile, en raison des coûts qui s'envolaient.  Mais le siècle finissant se trouva de plus en plus sous l'emprise des maîtres de forges, qui poussaient à la guerre en vue de juteuses ventes d'armes. Leurs vœux furent exaucés par la poudrière des Balkans, et les imprudentes alliances en chaîne. Au lieu d'être un auxiliaire de la vie, le banquier devenait le maître du jeu.

La "paix" revenue, l'intransigeance du président étatsunien Wilson sous couvert d'idéalisme mal compris et inadapté orienta l'Allemagne vers un grand désir de revanche. Quelques années plus tard, à la faveur de la crise économique, Hitler reprenait ce désir à son compte, soutenu par les grands banquiers états-uniens dont un certain Prescott Bush : ceux-ci étaient plus soucieux de profits renouvelés que de paix, une fois de plus. Leurs désirs étaient exaucés rapidement par le "caporal autrichien". Les affaires étant les affaires, c'est seulement à la fin de 1941 que les financiers  finirent par lâcher "leur poulain". Mais lui éliminé, il se sont immédiatement proposés pour reconstruire une Allemagne en ruine et une Europe aux abois.

En même temps, sous l'impulsion de chrétiens sionistes, ils firent mine de créer un foyer pour les juifs européens déracinés, alors qu'il s'agissait seulement de contrôler le proche-orient. Une fois de plus, cela se faisait "depuis le haut", sans consulter les peuples. Le résultat étant que cette région du monde est à nouveau une poudrière manipulée, instrumentalisée.

La situation générale en est là. Les banquiers anglo-saxons se préparent à imposer à tous le Grand Marché Transatlantique sans l'avis des peuples, contre l'avis des peuples qui en ressortiront tous ruinés comme si c'était une guerre : c'en est une en effet, la guerre des insatiables contre les simples citoyens. En même  temps, les conditions d'un nouveau conflit mondial "à l'ancienne" sont soigneusement réunies grâce aux sionistes, quelques personnages réprouvés par les juifs, mais qui œuvrent dans un but politique à leur seul usage. Il s'agit toujours de profit, de toujours plus de profit, afin de conquérir toujours plus de pouvoir, dans une boulimie sans fin. Pour reprendre l'histoire du veau d'or, coulé symboliquement pour se donner un guide visible,il s'agit toujours là d'une sorte de veau d'or newlook.  Malheureusement, les temps ont changé, désormais le symbole zodiacal correspondant n'est plus le bœuf, ni même le bélier, voire les poissons : depuis 1965 dans la précession des équinoxes nous en sommes au Verseau et le symbolisme  n'est plus au rendez-vous.  A moins que cette dangereuse idée de remplir la Mer Morte avec les déchets de dé-salinisation de la Mer Rouge en tant que source d'eau douce, ne reprenne à nouveau le symbolisme de façon perverse.

Dans tous les cas, cette volonté forcenée par une poignée de personnages d'accaparer toujours plus de pouvoirs,  voire tous les pouvoirs, ne peut aboutir qu'à la ruine de l'humanité. Ils se sont forgé une nouvelle religion, dont ils sont les dérisoires et cruels grands-prêtres  : plus fort, ils ont réussi à tromper quelques juifs de bonne foi, qui pensent bien agir en contribuant à la réussite de cette entreprise. La propagande fonctionne à fond, inventée par le propre neveu de Freud qui en a perverti l'enseignement. Il est temps que ces adeptes ouvrent les yeux, avant de contribuer à précipiter la chute générale de la planète et de ses habitants. Oui, le veau d'or est toujours debout. Désormais  les spéculations ne portent plus sur des marchandises, mais sur de complexes montages artificiels en cascade basés sur des dettes présumées : du vent et moins que cela encore.  Cette folie de Pouvoir basé sur rien n'est-elle pas le grand malheur  de notre temps, notre Peste Noire ?



mardi 20 août 2013

Bzzzzzz...... Drone ! (vu par Casse-toi V'la le Peuple)

Vous savez ce qu'est un drone ? Vous en entendez un ? Courez vite... si ce n'est pas trop tard.

Et pas question de faire comme le capitaine Haddock : là, çà ne marche pas.

Drone d'histoire. Bien entendu, c'est à nouveau Cap 2012 qui a découvert ce trésor.


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Lundi 12 août 2013

Bzzzzzz.... Drone! 

par cassetoi vlp 

 
Il existe une morale de la guerre. Eh oui ! Ça pourrait être pire. Du moins l'ONU a-t-elle essayé d'éviter le pire. La chose ne fontionne pas à tous coups, mais au moins les démocraties sont-elles supposées limiter les conséquences les plus graves des conflits armés auxquels elles participent. On peut appeler cela « se vouloir civilisés ». Ainsi fut créé un droit international qui institue certains principes. 

Et puis fut inventé le drone. Pour mémoire, l'engin dont il est question est un avion télécommandé, un peu comme ces merveilleux jouets que l'on voit parfois évoluer le dimanche autour des petits aéroclubs gazonnés. Deux différences, toutefois, sont à noter.
 
D'abord, les jouets des militaires étant notoirement les plus perfectionnés, ceux-ci sont équipés d'une caméra embarquée. Cool, non ? On peut réellement se prendre pour le pilote. Un éditeur de jeux vidéos appellerait cela l'expérience utilisateur. Ici, elle est de première qualité. D'autant que cela permet de piloter depuis un bunker du Nevada le drone qui vole au-dessus du Pakistan. L'étendue et le réalisme de la « map » (terrain de jeu) lui vaudraient une note exceptionnelle dans n'importe quel comparatif. Avantage collatéral, le risque de se faire tirer dessus est nul. En effet, le jeu est pimenté par la présence d'armes réelles sur le terrain. Du moins, leur absence n'est pas garantie, ce qui procure à l'occasion un délicieux frisson.
 
Seconde différence, le joueur l'opérateur dispose de missiles capables d'atteindre une cible au sol. Comme ils sont guidés par un laser, l'image s'enrichit du petit point rouge qui donne tant de cachet.
 
Mais revenons à la règle du jeu, du moins à sa version précédente, nommée à l'époque « droit international ». Rappelons qu'elle reposait sur un nombre limité de principes simples. En effet, devoir consulter sans arrêt le manuel en pleine partie nuirait à l'expérience utilisateur.
 
On peut citer en premier le principe de distinction. Celui-ci implique de ne cibler directement que des combattants. Femmes, enfants, vieillards et civils désarmés font partie du décor. Les abattre ne donne aucun point et peut même en retirer.
 
Or les opérateurs des drones ne « distinguent » rien du tout. Ils frappent quasiment à l'aveuglette. La position de la caméra et la définition insuffisante de l'objectif ne leur permettent pas de reconnaître plus que des silhouettes. Les dialogues entre opérateurs qui ont été publiés montrent des doutes subsistant après le tir. Ce reflet était-il celui d'une arme ou d'un bijou ? Bah, il est trop tard, de toute manière.
 
Au Pakistan, terrain réservé aux joueurs de niveau élevé, tout mâle de plus de treize ans est considéré comme un combattant potentiel. Rappelons que l'estimation de l'âge et même du sexe reste pour le moins approximative.
 
Le droit international définissait aussi une « zône de conflit armé » et une liste des comportements qui ne sont tolérables qu'à l'intérieur de cette zône. En dehors, on ne se conduisait pas en guerrier. Le drone fait disparaître ces limites, même les frontières des états ne sont plus des obstacles sérieux. La violation de l'espace aérien devient couramment possible, même si elle nécessite quelques précautions. Ce qui fait du drone un véhicule nettement plus performant qu'un avion présidentiel bolivien, par exemple.
 
En dehors des pratiques elles-mêmes, de ces nouvelles règles du jeu, il vaut aussi la peine de s'intéresser à la manière dont on en parle. Il faut en effet savoir que l'armée US recrute des philosophes, pour ses services d'« éthique militaire appliquée ». C'est le joli nom qu'il donnent à la propagande qui décrit ces armes comme la technique de guerre « la plus humaine », voire, dans certains documents, « humanitaire ».
  • car elle sauve des vies : surtout celles des soldats de l'agresseur. La distinction combattants/civils est remplacée par nous/eux, sachant que certaines vies sont plus sacrées que les autres. Retirer à l'ennemi la qualification d'humain est un vieux procédé des chefs de guerre. Ici, ce n'est fait que de manière implicite, car le truc est vraiment éventé, depuis la Shoah.
  • Parce qu'elle serait précise. En effet, le guidage laser fait que le missile arrive précisément à l'endroit prévu. Mais il tue tout ce qui vit dans un rayon de 15 m, soit un espace d'environ 700 m2. Bien sûr, le temps que l'image parvienne dans le Nevada et que l'ordre de tir revienne au drone, il frappe avec 2 à 3 secondes de retard. L'objectif peut s'être déplacé, tout comme les innocents des environs. En fait, il se sont tous déplacés. Dans les régions subissant cette sorte de guerre, la consigne est de courir en zigzag dès l'audition du bourdonnement caractéristique. Elle est généralement appliquée. Ces engins supposés précis ne permettent pas de décider sur qui l'on tire. D'où la nécessité de ratisser large.
La présence permanente de drones rend fou. Il s'agit officiellement de « dislocation psychologique ». Celle-ci ne s'applique pas seulement aux combattants, même éventuels, mais à toute la population des zônes concernées. C'est donc bien du terrorisme d'état, au sens propre. C'est une très efficace fabrique d'ennemis et de terroristes, dans les régions visées comme dans la population de l'état agresseur. Les militaires le savent et officiellement s'en foutent. Nous verrons qu'en réalité c'est pire que cela.
 
L'usage des drones, présenté comme une « guerre sans défaite », est à coup sûr une guerre sans victoire. Elle a donc vocation à durer quelque chose comme une éternité. Cette guerre entretenue comme un feu de camp salvateur par les dirigeants d'un pays oblige à se poser la question de leurs motivations. Et il est vrai qu'une menace extérieure est sans doute la meilleure manière d'imposer la discipline à une population. Durant la guerre froide par exemple, avec la menace soviétique la population des Etats-Unis a longtemps montré une louable unité de pensée et d'action.
 
Seule la guerre du Viet-Nam a réussi à briser vraiment l'unanimisme patriotique. La question qui fâche était « Pourquoi aller mourir là-bas ? » Avec le drone, plus personne ne meurt.
 
Les militaires utilisant des drones sont même tellement protégés qu'il ne reste de riposte possible que l'attentat contre les civils du pays agresseur. Et la fabrique de terroristes continue à plein régime, dans les deux pays.
 
Les documents officiels parlent de « chasse à l'homme préventive ». C'est repris dans la presse US.
 
Cette stratégie de « chasse à l'homme » remplace avantageusement une solution de type Guantanamo. Il n'y a qu'à voir comme Obama est emmerdé avec ce centre de torture. Il ne peut pas relâcher ces gens, que ce soit sur le territoire national ou ailleurs. Aussitôt, ce serait une grêle de procès retentissants contre l'état fédéral US, une mise au ban généralisée pour faits de torture, détention abusive sans procès (certains y sont depuis maintenant 11 ans) etc... Avec l'assassinat préventif, ces inconvénients sont évités. La famille s'occupe des corps.
 
Noter que lorsqu'on parle de chasse, deux questions sont éludées : le gibier n'est pas humain, n'a de ce fait pas droit aux ménagements réservés aux membres de notre espèce. De plus, on ne signe pas de traité de paix avec les bêtes.
 
La chasse à l'homme est un vieux thème de western qui a droit de cité aux USA. Ici il faudra trouver d'autres manières de le dire et nous pouvons nous attendre aux pires maladresses. Ou alors ce sera silence et opacité, nous savons bien faire aussi, en recouvrant les choses du voile du secret-défense.
 
Ah ! J'y pense. J'ai l'air de dire du mal des USA, je vais encore passer pour un je ne sais quoi primaire. Mais rassurons-nous, la France est en train d'en acheter. Le libéral en mode discours automatique vous dira que nous avons, comme toujours, dix ans de retard. Une fois encore, je ne m'en plaindrai pas.
 
Comme dans un bon petit travail scolaire, nous allons maintenant envisager les évolutions prévisibles de la chose :
  • À l'extérieur, nous avons la « robotique létale autonome », le robot tueur qui décide lui-même d'appuyer sur le bouton. Ce n'est pas un fantasme, les projets sont déjà bien avancés.
  • À l'intérieur, le drone militaire recyclé en drone policier. La répression s'appliquant aux classes dangereuses de sa propre population. Il en existe déjà équipés de Taser ou de balles de caoutchouc. On est sorti depuis longtemps du domaine de la plaisanterie.
Ici, le lecteur de science-fiction combine les deux et imagine une sorte de petit drone Canadair qui gaze les rassemblement indésirables, jeunes brûleurs de voitures ou ouvriers dégraissés. En passant il prend les images pour les fichiers de la Sûreté. Bientôt, les manifs auront lieu dans les appartements, à l'abri des volets fermés. Prenez des notes pour raconter la démocratie à vos enfants.
 
Un petit espoir subsiste cependant, puisque de nombreux textes juridiques internationaux s'opposent à toutes ces pratiques, et donc des procès sont en cours ou prévus, comme on dit à la météo marine.
 
Autre inconvénient, lorque les citoyens payaient l'impôt du sang, cela leur donnait le droit de l'ouvrir, notamment d'avoir un avis sur la décision d'entrer en guerre. Le drone est donc un remède à la réticence citoyenne vis-à-vis de toute guerre autre que défensive. En bon Français, un moyen de plus pour ne pas vous demander votre avis. En complément, et en attendant d'avoir généralisé la chose, on y emploie déjà de plus en plus de mercenaires.
 
Voilà, nous avons à peu près fait le tour, et je dois une gratitude éternelle à ceux qui ont cru jusque-là que je sortais tout cela de ma petite tête. Je dois vous faire un aveu, ces informations proviennent d'un livre, le prochain que je vais lire. Non, ce n'est pas une faute de frappe. Il s'agit de « Théorie du drone », de Grégoire Chamayou. Le monsieur est chercheur en philosophie au CNRS. Moi aussi, j'ai failli sourire, pas longtemps. Compte tenu du travail qu'il fait, heureusement que le CNRS a aussi des chercheurs en philosohie. J'ai donc re-visionné récemment un entretien de plus d'une heure qu'il a eu avec Judith Bernard, pour l'excellent émission « Dans le texte » sur le site d'Arrêt sur Images. Ce re-visionnage a produit sur moi deux effets concomitants.
 
D'abord je me suis dit : « Pas moyen, ce bouquin, il me le faut. » Je l'ai donc commandé. Il ne va pas tarder, merci. Ensuite, avec les notes, et vu la place croissante que prennent les drones dans l'actualité, je n'ai pas pu m'empêcher de pondre le présent billet. D'autant que l'auteur se donne clairement pour objectif d'offrir des arguments politiques au militant de terrain. Aucune gêne à les diffuser, donc. Et comme je crains qu'il ne reste quelques citoyen(ne)s pas encore abonnés à Arrêt sur Images, qui ne pourront donc voir l'émission, cela devenait un devoir. Mais il va de soi que pour qui le peut, ce riche débat conserve une quantité d'informations et de réflexions que je n'ai pu mentionner ici.

 
On a proposé à Grégoire Chamayou, à la sortie du livre, de rencontrer de hautes autorités, pour discuter. La proposition venait de l'Élysée. Il a refusé, non qu'il se prenne pour un héros, mais il n'a pas fait tout ce travail d'alerte pour que le débat public, la mobilisation citoyenne indispensable, soit shuntée sous les lambris des palais de la République. Logique implacable du vrai philosophe.

lundi 19 août 2013

Le Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie était une institution illégale (Jacques Vergès, entrevue avec Silvia Cattori)

Madame Silvia Cattori est journaliste. A l'époque où j'étais l'un des tenanciers d'un site connu, qui n'existe plus, elle nous faisait l'honneur de son amitié. Grâce à Cap2012, je découvre cette entrevue bouleversante qu'elle avait eue en 2006 avec Maître Jacques Vergès. Y sont évoqués beaucoup de faits plus ou moins oubliés. La lucidité de celui qui nous a quittés est toujours aussi acérée, et cela fait du bien, même si les solutions ne peuvent venir que d'un grand mouvement des peuples opprimés, dont le nôtre.

On notera qu'après ce TPI qualifié donc "d'illégal", d'autres TPI tout aussi douteux ont été dressés, pour juger des dirigeants africains dès qu'ils ne furent plus en grâce devant "l'Opinion Internationale", soit quelques chefs d'États "Occidentaux", toujours les mêmes. Le Conseil de Sécurité des Nations-Unies, sorte d'Exécutif appliquant les décisions de l'Assemblée Générale, est devenu LE seul décideur, de la même façon que les présidents en France depuis quelques années. Avec les mêmes dérives naturellement. Notre Monde tel qu'il est, est décidément à bout de souffle. Ajouté à sa capacité d'autodestruction plus importante encore qu'au temps de la Guerre Froide, et plus déséquilibrée, ce constat ne laisse pas de mal augurer de l'avenir.


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Entretien avec Maître Jacques Vergès
 
A l’heure où tant de gens peinent à comprendre le silence de leurs autorités face aux victimes qui, en Irak, en Afghanistan, en Palestine, mais aussi chez nous, sont laissées sans protection, nous croyons que des voix comme celle de Maître Vergès sont importantes.
 

Silvia Cattori : Vous connaissiez M. Milosevic. Qu’avez-vous ressenti à l’annonce de son décès ?

Jacques Vergès : Je suis son avocat, un parmi d’autres. Qu’ai-je ressenti ? J’ai ressenti de l’indignation parce que, manifestement, c’est une mort que l’on a voulue. De ce point de vue, c’est un assassinat. M. Milosevic était très malade. On lui a imposé des séances harassantes qui se terminaient après l’heure de la promenade journalière, qui consistait à faire les cent pas, dans la cour de la prison.

Au début de cette année il a été très malade ; il a demandé à se faire soigner en Russie. Nous ne sommes plus au temps de la guerre froide. Les Russes avaient promis de le garder entre les mains de la justice, de ne pas lui permettre de s’évader. Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a refusé qu’il se fasse soigner en Russie. A cet homme qui avait besoin de soins urgents, on les lui a refusés, avec au bout sa mort.

Aujourd’hui, l’autopsie dit qu’il est mort d’un infarctus, que c’est une mort naturelle. Ce n’est pas vrai.

Des morts naturelles peuvent être provoquées. Pendant la guerre d’Algérie, j’ai été désigné par les nièces d’un Monsieur qui venait d’être arrêté. Je leur ai dit que j’allais intervenir auprès des autorités pour qu’il ne soit pas torturé et elles ont dit « mais il ne s’agit pas de tortures, il s’agit de sa vie, il est diabétique et a besoin d’une piqûre d’insuline tous les jours, sans quoi il meurt ». Il serait mort de mort naturelle.

Dans le cas de M. Milosevic, même si l’on ne trouve pas de trace de poison, il est mort d’une mort naturelle, mais d’une mort naturelle provoquée. On me dit : mais pourquoi ceci ? Parce que, premièrement, c’était un homme qui était courageux, qui se défendait seul devant le tribunal, et on voulait le briser, au risque de le tuer. Eh bien, on l’a tué. C’est pourquoi je dis que ce tribunal est un tribunal d’assassins.

Silvia Cattori : En n’accordant pas au prévenu le respect auquel tout prisonnier a droit, fut-il un criminel, Mme Carla del Ponte a-t-elle donc failli ?

Jacques Vergès : Oui, on a refusé à M. Milosevic le respect que l’on doit à tout prisonnier. En France, nous avons un ancien ministre, M. Papon, qui a été condamné pour crimes contre l’humanité. Il s’est senti malade. Des médecins ont fait leur constat, et on l’a mis en liberté. Il a été traité humainement.

Silvia Cattori : N’avez-vous aucune considération pour le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie ?

Jacques Vergès : Ce Tribunal Pénal International est une institution illégale qui a été décidée par le Conseil de Sécurité qui n’a aucun pouvoir judiciaire. On ne peut pas déléguer un pouvoir que l’on n’a pas. Seule l’Assemblée pouvait décider cela.

Deuxièmement, ce tribunal n’a pas de loi. En France ou en Suisse, quand vous allez devant un tribunal, il y a un code de procédure que l’on applique. Pour le TPIY, il n’y a pas de code de procédure. Le TPIY change la procédure selon les besoins qu’il éprouve. La procédure, en ce qui concerne M. Milosevic, a été changée vingt-deux fois.

Troisièmement, ce tribunal s’occupe de faits antérieurs à sa création, ce qui est illégal. Cela s’appelle « la rétroactivité de la loi pénale », procédé qui est parfaitement contraire à toutes les règles démocratiques. Ce tribunal admet que des témoins puissent témoigner masqués. Quel débat contradictoire est-il encore possible ? !

Ce tribunal dit que, dans certains cas, la rumeur publique suffira comme preuve. Or, nous savons à quel point la rumeur publique est lourde d’erreurs et de manipulations.

Enfin, pour couronner le tout, le tribunal accepte des dons : 14 % du budget du TPIY provient de dons. Par exemple, M. Soros, qui est un adversaire de la Serbie, contribue aux payements du salaire des juges. Que diriez-vous si vous deviez comparaitre devant un tribunal payé par une chaîne hôtelière ou par une chaîne d’épicerie ?

Silvia Cattori : N’y a-t-il plus de légalité internationale ? Quelle confiance, par conséquent, les faibles peuvent-ils encore avoir en la justice ?

Jacques Vergès : Ecoutez, la légalité internationale ? Vous avez entendu parler de Guantanamo. Quelle légalité ! ? Vous avez encore appris quelque chose qui est pire que Guantanamo : que des services secrets américains auraient, en Europe, des prisons où on envoie des gens pour y être torturés sans que cela se sache. On a avancé les noms de pays comme la Pologne et la Roumanie.

Silvia Cattori : Comment cela se fait-il que la France ou l’Europe ne tapent pas du poing sur la table face à la gravité des violations auxquelles le monde assiste ?

Jacques Vergès : Là-dessus, le souhait que j’aurais est que des pays comme la France s’y opposent mais, malheureusement, ce n’est pas le cas. Déjà, de sa part, s’être opposé à la guerre contre l’Irak, je considère que c’est une grande chose, c’est inespéré.

Les Etats- Unis détiennent des gens à Guantanamo en-dehors de toute légalité. Ces détenus ne dépendent même pas de la loi américaine. On a vu également, à la prison d’Abou Graib, comment la torture n’était plus un instrument d’interrogatoire mais un instrument d’abaissement de la dignité humaine. En Algérie, quand les Français torturaient, ce qui était ignoble, c’était, disaient-ils, pour avoir des renseignements. Mais quand, comme cela s’est vu, une jeune Américaine rit en traînant par une laisse un homme nu agonisant, ce n’est pas pour chercher des documents, c’est pour l’assimiler à une bête. Là, nous assistons à une époque d’ensauvagement de l’humanité.

Silvia Cattori : En ne condamnant pas les Etats-Unis et la Grande Bretagne, durant les années où ces pays ont bombardé en Irak, en violation du droit, la zone appelée « No fly zone », l’ONU ne s’est-elle pas rendue complice des préparatifs de cette guerre ?

Jacques Vergès : Bien sûr. Aucune instance n’a vraiment condamné les mauvais traitements de ces prisonniers. Toutefois, la guerre contre l’Irak, l’ONU ne l’a pas votée. Les Américains ont engagé cette guerre sur un mensonge. Tout le monde savait très bien que Saddam Hussein n’avait pas d’armes de destruction massive. Et la guerre a quand même été menée sous ce faux prétexte. Et personne ne condamne les agresseurs.

D’autre part, il y a eu l’embargo, entre les deux guerres ; embargo qui a causé la mort de cinq cent mille enfants. C’est l’OMS qui le dit. Quand on demande à Mme Albright ce qu’elle en pense, elle dit « C’est le prix de la démocratie ». Est-ce qu’un régime, quel qu’il soit, mérite le sacrifice de cinq cent mille enfants ? Les criminels contre l’humanité, c’est parmi les grandes puissances occidentales qu’on les trouve.

Silvia Cattori : Les gens se souviennent de la période où les médias vous ont qualifié de « nazi », de « terroriste », pour avoir défendu Barbie et Carlos. Cela ne vous dérange-t-il pas quand on vous traîne dans la boue ?

Jacques Vergès : Non.

Silvia Cattori : Et quand on vous traite « d’antisémite » cela vous laisse-t-il indifférent ?

Jacques Vergès : Ecoutez, du moment que cela n’est pas vrai, cela me laisse indifférent.

Silvia Cattori : Mais la rumeur peut détruire des carrières !

Jacques Vergès : Je vis dans un pays qui s’appelle la France. Il existe une tradition en France : le Français a une tendance à se sentir seul contre l’establishment. Il est pour d’Artagnan, pour Mandrin.

Un jour, je sortais de la cour d’Assise d’Aix. Je traversais le petit marché qui se tient aux abords du Palais de justice. Un confrère m’a dit : « Tu vois, quand les gens te reconnaissent cela ne m’étonne pas ; ce qui m’étonne c’est la manière dont ils te saluent ; ce n’est pas un notable qu’ils saluent, c’est un complice. Alors, Maître, on continue »

Silvia Cattori : A part vous, il y a des nombreuses personnes qui sont accusées « d’antisémitisme », d’être « anti-juives », qui est un délit qui pèse plus lourd que si l’on est accusés de « racisme », d’être « anti-arabes » !

Jacques Vergès : Actuellement, on ne me traite plus d’antisémite. Ma plaidoirie a été publiée et diffusée à la télévision ; on a bien vu que je n’avais pas tenu de discours « antisémite ».

Le problème des médias, vous le connaissez : les médias hurlent avec les loups. Ils considèrent que c’est leur fonction. Je disais, au moment du procès Barbie, à un journaliste de télévision : le service que vous pourriez me rendre c’est de publier ma photo tous les jours dans votre journal en disant « cet homme est un salaud ». Les Français ne sont pas assez bêtes et ils décrypteront votre message et se diront : si on l’insulte tant c’est que c’est un type bien.

Silvia Cattori : Vous croyez vraiment que les gens soumis au matraquage médiatique savent faire la part des choses ?

Jacques Vergès : A la longue, oui.

Silvia Cattori : Vous avez connu des personnalités comme Tarek Aziz que beaucoup respectaient. Elles sont aujourd’hui traitées comme des chiens, livrées à la torture. Comment vivez-vous, en votre for intérieur, cette violence des Etats faite au nom « des droits humains et de la démocratie » qui a déjà fait tant de victimes, causé tant de souffrances ?

Jacques Vergès : Comme la grande imposture. Nous vivons une période de sauvagerie et d’imposture. Saddam Hussein était l’allié de l’Occident puis, un jour, on a pensé qu’il était trop fort et on a décidé de l’abattre. Et ensuite on l’a abattu sur des mensonges. On le reconnaît aujourd’hui.

Et puis on nous dit que l’on se bat pour les droits de l’homme mais on n’a jamais autant humilié et bafoué les hommes que dans les prisons américaines, en Irak et à Guantanamo. On est allé en Afghanistan pour vaincre les Talibans et le résultat est que la production d’opium a été multipliée par dix.

On menace l’Iran, en disant que l’Iran ne doit pas avoir la bombe atomique. Il ne doit même pas être soupçonné d’avoir les moyens de faire la bombe nucléaire. Alors que l’Iran a deux voisins qui l’ont déjà : le Pakistan d’un côté et Israël de l’autre.

Pourquoi ces deux pays ont-ils droit à la bombe et l’Iran non ? Ne cherchez pas de réponses. Ce sont des décisions des puissants du moment.

Silvia Cattori : Imaginez-vous que l’on puisse modifier le cours des choses ?

Jacques Vergès : En 1941, en Europe, on pouvait prévoir que les choses changeraient si Hitler faisait une folie. La folie, il l’a commise : il a attaqué l’Union soviétique et il a été vaincu.

Je pense que tout cela va se terminer par une folie et, malheureusement, un grand massacre. A ce moment là, il sera mis fin à cet état d’hypnose dans lequel vit le monde. On sait très bien, par exemple, que, si les Etats-Unis attaquent l’Iran, nous assisterons à une confrontation extrêmement grave dans tout le Moyen-Orient. Avec même des conséquences dans les pays occidentaux, avec le cours du pétrole. C’est pour cela du reste qu’ils hésitent tellement !

Silvia Cattori : Donc ces guerres « dites préventives », voulues même par des personnalités qui se disent humanitaires, comme Pascal Bruckner et Bernard Kouchner, par exemple, ne mènent pas vers le meilleur des mondes !

Jacques Vergès : Non. Vous n’avez qu’à voir, actuellement, cette prétendue « guerre contre le terrorisme ». Qu’est-ce que c’est que le « terrorisme » ? Ce n’est pas une entité.

J’ai fait la guerre dans l’armée française libre ; j’étais artilleur. L’artillerie n’était pas une entité. Il n’y avait pas une artillerie contre une infanterie. Il y avait une artillerie allemande et une artillerie française.

Les « terroristes » sont différents entre eux. Les gens de l’IRA et les gens d’Al Quaida ne sont pas les mêmes. Les gens de l’ETA et les Corses ne sont pas les mêmes. Mais, au nom du « terrorisme », on justifie tout.

Silvia Cattori : Pour les peuples sous occupation ou agressés, n’y a-t-il pas un droit international à se défendre ?

Jacques Vergès : Cela s’appelle la résistance. Le mot terrorisme a été utilisé pour la première fois, en France, par les Allemands, pendant l’occupation.

Silvia Cattori : Comment expliquer, dès lors, que le Parlement européen ait inscrit - avec l’accord de tous les partis, de l’extrême gauche à la droite - le mouvement du Hamas sur la liste des « organisations terroristes » à la demande d’Israël et des Etats-Unis ?

Jacques Vergès : Parce que, à mon avis, on vit sur une équivoque. Quand on examine les crimes de l’Allemagne nazie, je disais, au cours du procès Barbie : « avant de le juger, essayez de balayez devant votre porte ». La Gestapo a commis moins de crimes en France que la France n’en a commis en Algérie. Ou bien que les Russes n’en ont commis en Afghanistan, ou que les Américains n’en ont commis au Vietnam. Et on me répond « non, nous sommes une démocratie ».

Mais une démocratie est capable de crimes. Il y a cette équivoque : la démocratie ne serait pas capable de crimes ! Au contraire. Près de la Nouvelle Zélande, vous avez une île qui est plus grande que la Suisse, la Tasmanie ; il n’y a plus de Tasmanie. La dernière tasmanienne est morte en 1977, détruite par les colons anglais. Prenez les Peaux Rouges, les Incas, les Aztèques, tous ont été détruits ; c’étaient des civilisations florissantes.

Donc, les démocraties sont capables de crimes aussi bien que les dictatures. Avec des circonstances aggravantes dans le cas des démocraties : c’est que l’opinion est avertie. On me dit « mais il y a la liberté de la presse ». Mais alors, cela aggrave la responsabilité de l’opinion.

Silvia Cattori : Je crois que l’opinion n’est pas avertie !

Jacques Vergès : Pendant la guerre d’Algérie, la torture, nous la dénoncions. A Abou Graib, tout le monde est censé savoir ce qui s’est passé, les photos sont passées sur les télévisions.

Silvia Cattori : L’opinion a été pré-conditionnée : ne lui a-t-on pas présenté la guerre comme « un moindre mal » ?

Jacques Vergès : Mais l’histoire « du moindre » mal n’excuse pas cette inhumanité gratuite, et l’opinion le sait, et l’opinion démocratique n’a pas réagi.

Silvia Cattori : Auriez-vous pu imaginer, il y a quinze ans, que les choses se passeraient de la sorte ?

Jacques Vergès : Oui, à partir de la chute du mur et de la chute de l’URSS, où les Etats-Unis se retrouvaient être les seul maîtres, avec, à leur tête, des dirigeants incultes.

Ce n’est pas étonnant que les dirigeants allemands et français aient été contre la guerre en Irak. La France et l’Allemagne ne sont pas des îles. Chirac a une expérience du monde arabe. Il était officier en Algérie, il sait ce que c’est qu’une guerre de libération.

Les Américains ne savent pas. L’Amérique est une île. La couche éclairée de la côte Ouest et Est, peut-être, le savent. Mais l’Amérique profonde, du Nebraska à l’Arkansas, l’ignore. Je disais à des Serbes, à Belgrade : comment voulez-vous expliquer à un type de l’Arkansas que le Kossovo est le berceau de votre nation ? Eux, ils n’ont pas de nations. Ils n’ont pas d’histoire.

Silvia Cattori : Voulez-vous dire que les barbares sont de retour ?

Jacques Vergès : Oui, bien sûr. Je pense que jamais l’humanité n’a vécu une époque aussi sauvage qu’aujourd’hui. En Europe, il y avait certaines règles ; aujourd’hui on ne les respecte plus.

Silvia Cattori : Qui peut faire contrepoids à l’unique superpuissance américaine ?

Jacques Vergès : Au point de vue militaire, personne. Mais au point de vue économique, beaucoup de pays le peuvent. La guerre n’est plus seulement militaire aujourd’hui, elle est hors normes. Il suffit que deux tours s’effondrent à New York, sous les coups d’une organisation qui n’a pas de territoire, pour que les compagnies d’aviation américaines déposent leur bilan. Il suffit qu’il y ait des manœuvres chinoises sur le détroit de Formose pour que la bourse de Taipei s’effondre.

A la fin, mêmes soumis, la télévision, les journaux, devront dire certaines choses. L’opinion est très lente à changer de point de vue, mais elle se réveillera. Un jour, elle changera de point de vue.

Silvia Cattori : Qui sont les propriétaires des démocraties occidentales aujourd’hui ? Qui commande réellement ? Vers qui les peuples opprimés peuvent-ils encore se tourner ?

Jacques Vergès : Dans nos démocraties, ce sont les dirigeants des grandes sociétés. L’exemple est typique : quand les biscuiteries « LU » licencient leur personnel, les grévistes s’adressent à M. Jospin, qui était alors le premier ministre, et celui-ci leur répond « Que puis-je faire » ? Effectivement, il ne pouvait rien faire dans le système actuel.

Silvia Cattori : Donc les gens ne peuvent plus rien y changer ?

Jacques Vergès : Si, mais pour changer il faudra vraiment de grands bouleversements.

Silvia Cattori : Actuellement, le rapporteur spécial du Conseil de l’Europe, le procureur suisse Dick Marti, chargé de faire la lumière sur l’existence des « prisons volantes » de la CIA, se débat avec les gouvernements qui sont réticents à lui fournir les informations. Pensez-vous qu’il va pouvoir arriver au bout de son enquête ?

Jacques Vergès : S’il le veut, il peut y arriver. Quand on s’acharne, la vérité finit toujours par éclater : il y a toujours des témoins. Il réussira à condition qu’il accepte d’être isolé et d’être insulté. Je lui souhaite beaucoup de chance.

Silvia Cattori

dimanche 18 août 2013

La République Arabe Unie à nouveau unie... dans le désordre

Souvenons-nous : il y a 55 ans avait été créée une union entre l'Égypte, la Syrie, le Yemen sous le nom de République Arabe Unie. C'était peu de temps après que les Anglais eurent été chassés du Canal, malgré de multiples bombardements des civils. C'est ainsi qu'un ami dont le père travaillait au Canal se retrouva sous les bombes, et qu'il perdit un copain (c'était un gosse, à l'époque).


Dans l'esprit, cette union était louable. Elle faisait serrer les coudes entre des pays qui avaient subi des "protectorats" amicaux (hum) pendant des années. En fait, elle ne put perdurer : le nord-Yémen et son roi restaient unis à l'Arabie, sous la coupe étatsunienne évidemment (pétrole), donc le Sud était isolé. Trop vite l'Égypte voulut se prendre la part du lion, ce qui indisposa Damas où pourtant le parti Baas ne jouait qu'en sourdine. L'Irak n'eut pas le temps de se joindre à cette union, ce qui aurait pourtant rééquilibré les influences. Et puis, en raison du pétrole, toujours lui, "les Occidentaux" n'allaient pas laisser s'instaurer une force unie capable de leur dicter exigences et... tarifs. Donc au bout de quatre ans de tumultes divers l'union fut dissoute.

Aujourd'hui on s'aperçoit que les anciens protagonistes sont chacun à sa façon, mais avec des analogies, dans un même pétrin. L'Irak, envahi par les anglo-étatsuniens il y a dix ans, est aujourd'hui détruit, exsangue, annihilé sans espoir de remonter la pente avant très longtemps.  Le Yémen est secoué presque constamment, depuis qu'il est réunifié, par de violents heurts entre les factions "légitimes", donc soutenues par les États-Unis, et  leurs opposantes "à la Tunisienne". La situation est bloquée, les violences continuent.

En Syrie, le parti Baas et l'armée qui en est le fer de lance, voire le moteur, campe sur ses positions face à des islamistes accourus de partout à l'instigation des États-Unis, de la France, de la Grande Bretagne, avec l'aide des financements des tyrans du pétrole : entre les deux le peuple n'a pas son mot à dire, et subit les assauts des deux factions. Ses propres forces de résistances sont bien maigres. Qu'en sortira-t-il ?

En Égypte, là encore les grandes violences se développent entre une armée grassement rémunérée par les États-Unis, et des islamistes financés pas les États-Unis : les gens du peuple, quel que soit leur statut social antérieur, sont désormais la cible volontairement ou pas des deux grandes factions.

Le bilan est catastrophique : grâce à l'appui intéressé de la "Communauté Internationale" (voir les noms plus hauts), le Moyen-Orient est à feu et à sang. On ne saurait oublier le sultanat de Bahrein (sunnite) dont la grande majorité chiite de la population subit un joug violent et ne réussit pas à s'imposer comme ces jours-ci encore : le grand voisin de Riyad ne répugne pas à envoyer ses propres troupes pour juguler tout soulèvement.

L'impression générale est celle d'une immense marmite dont le couvercle est agité de soubresauts continuels sous la pression intérieure. Et l'on peut s'interroger : comment relâcher cette pression ? En détruisant les fauteurs externes qui apportent fonds et  mercenaires dopés au Wahhabisme forcené ? Ou......

Washingto delenda est


samedi 17 août 2013

Jacques Vergès a quitté son champ de bataille

1986 - Jacques Vergès défend Georges Ibrahim Abdallah
Celui que les médias qualifient habituellement de "sulfureux", l'ange noir dérangeant des prétoires, nous a quittés. Jacques Vergès a emporté ses secrets avec lui. Sans doute devaient-ils être lourds même pour lui, mais certainement pas dans le sens où il s'agirait de crimes qu'il aurait commis, mais d'actes nécessaires, et nécessairement discrets.
 
Qu'était-il donc ? Un grand homme, comme la plupart de nos hommes politiques ne le seront jamais parce qu'il a associé l'honnêteté indécente au sulfureux lumineux. Il a su défendre l'indéfendable, la veuve, l'orphelin et le tortionnaire au gré des causes et des circonstances. Sans doute avait-il une très grande empathie, au point de réussir à voir par les yeux que ceux qu'il a visités dans leurs cellules. Il s'est ainsi donné le rôle le plus difficile, celui de montrer une cause par un jour différent, plus encore que les autres avocats dont c'est pourtant la vocation - et peut-être pas la sienne semble-t-il paradoxalement. Il a aussi endossé des "causes perdues" non en raison des crimes avérés de ceux qu'il défendait, mais parce que des raisons politiques avaient décidé de la culpabilité de ces victimes, comme Georges Ibrahim Abdallah qui en est l'exemple le plus flagrant.

En même temps, n'est-il pas ambigu qu'il ait assuré se déclarer prêt à défendre un George Bush, "s'il plaidait coupable", quand on connaît ce que signifient les tractations liées à cette posture aux États-Unis ? Ou peut-être voyait-il "à la française" un désir de repentir pour les tombereaux de crimes commis en son nom et sous son ordre.

Après tout, celui qui se dit non coupable veut dire par là qu'il a agi selon son intime conviction (si les preuves attestant que c'est lui qui a agi sont irréfutables, concomitantes et multiples), et que ce sont les accusateurs ou leurs mandants qui sont coupables, ou au moins qui ont de mauvaises raisons. Au contraire, celui qui plaide coupable se rend compte de la faute qu'il a commise, ou du moins accepte-t-il le fait que ce qu'il a fait était "mal". Ainsi de Bradley Manning, qui a plaidé coupable sur tous les chefs d'accusation sauf un (qui finalement ne fut pas retenu contre lui) : pressé par un système inique et sous l'effet de la torture morale et physique qu'il a endurée, il n'a pas jusqu'au bout assumé les actions qui l'ont conduites devant les tribunaux, comme étant des actions justes et nécessaires. Ainsi, autrefois, de Gilles de Rais qui se repentit de ses crimes atroces sur des enfants, lui qui fut l'un des plus proches compagnons de lutte de Jeanne d'Arc. En revanche, nos aînés les résistants tombèrent avec au cœur, chevillée, la pensée de la justesse de leur cause - je repense au Groupe Manouchian.

Jacques Vergès, toi qui as tourné la page, repose désormais dans une paix que ta vie tumultueuse n'a guère dû te faire connaître. Que tes secrets disparaissent à jamais de la mémoire des hommes. Et merci au nom de la simple humanité pour les causes que tu a accepté de défendre, quitte à être vilipendé par la presse prompte à déchirer celui qui n'est pas "dans la norme". Tu fus avocat "pour être libre", libre tu vécus. Au revoir.

mercredi 14 août 2013

Lanceur d'alerte : plus que jamais dangereux, plus que jamais nécessaire

Fallait-il donc, en plus de lui infliger une peine de prison incompatible avec un retour en liberté avant sa mort, salir le lanceur d'alerte Bradley Manning ? On notera que la qualité de son travail et de ses analyses le rendait en fait indispensable à la NSA, ce qui n'est pas très cohérent avec les accusations....

Fort Meade (Etats-Unis) (AFP) - La taupe de WikiLeaks Bradley Manning souffrait d'un "déséquilibre mental" lié à son identité sexuelle et provoquant des épisodes colériques, mais jamais son habilitation secret-défense ne lui a été retirée, a affirmé mardi à la juge son superviseur direct.
 
Lors d'une audience sur la base de Fort Meade, au nord de Washington, destinée à déterminer la peine de prison que devra purger le jeune homme condamné pour des faits d'espionnage, le sergent première classe Paul Adkins a raconté comment il avait retrouvé un jour en Irak le jeune analyste de renseignement recroquevillé en position foetale sur le sol, un couteau à ses pieds.

Si Bradley Manning a jugé nécessaire de faire connaître tant de faits, c'est bien parce que les agissements du gouvernement étaient si pervers qu'il fallait en avertir les citoyens. Et ceci, quelles qu'en fussent les conséquences pour le lanceur d'alerte. C'est ainsi qu'a été alimenté Wikileaks, avec un succès mitigé tant le couvercle a été vissé par les médias contactés par celui-ci à des fins de publication.

Les agissements des politiciens dans le monde, États-Unis en tête, sont devenus si atroces que ne pas les dénoncer si l'on en a la possibilité se résume tout simplement à une vraie complicité. Il y a eu Abou Ghraïb, il y a toujours Guantanamo, il y a eu ces transferts de prisonniers au cours de vols secrets au-dessus de l'Europe avec la complicité des autorités locales, et probablement il y a bien d'autres choses dont la teneur n'a toujours pas été découverte et dénoncée.

Désormais, le statut du lanceur d'alerte se heurte à un véritable mur de la peur, peur par "les Autorités" de voir dévoilées leurs turpitudes, leurs dérives, leurs crimes. Car il semble bien qu'avec le temps, ces manœuvres sont de plus en plus employées au point d'être plus courantes, peut-être parce que plus efficaces que de vraies guerres, moins coûteuses pour ceux qui les lancent en financement, en matériel, et accessoirement en humains.

Joseph MacCarthy
Avec moins de retentissement (pour le moment), ne s'agit-il pas d'une campagne assez similaire dans sa violence au maccarthysme des années 50 ?  A l'époque furent ainsi exécutés les époux Rosenberg pour espionnage. D'ailleurs assez symptomatiquement, le maccarthysme  s'en prenait avec application aux homosexuels considérés au moins comme de mauvais citoyens. Ce genre d'accusation ressurgit ici, plus feutrée.

Ne nous leurrons pas : cela existe aux États-Unis, mais cela existe aussi en France, à ceci près que les accusations à caractère sexuel n'émanent que de groupes plutôt maigres et loin du Pouvoir.  C'est plutôt du côté du nucléaire, sujet tabou s'il en est, que se lèvent ceux qui ont quelque chose à dénoncer, et que les autorités réagissent avec nervosité (repenser aux actions de Greenpeace, dénonçant la sécurité déficiente des centrales), mais aussi du côté de produits pharmaceutiques dangereux (Irène Frachon et le Médiator), ou encore de celui de l'abus de sel dans les aliments tout prêts (Pierre Menneton par exemple).

Actuellement, le sujet le plus dangereux, parce que impliquant la planète entière sur des milliers d'années potentielles, est le nucléaire civil ou militaire (le risque est le même). Encore ce matin, des révélations nous parviennent concernant des faits non encore évoqués concernant le réacteur 4 de Fukushima, et en particulier une certaine piscine technique pour combustibles neufs qui serait contaminée elle aussi. Il est peu probable que les grands médias s'en emparent.

Lanceurs d'alerte : plus vous risquerez de représailles à vos actions, et ce malgré des dispositions judiciaires et légales pour tenter de vous protéger, plus ces actions seront nécessaires. Hommage à Edward Snowden, à Julian Assange et surtout à Bradley Manning.

lundi 12 août 2013

Chevron-Texaco / Chevron Toxico ! (Céline Meneses - le Grand Soir)

Grâce, une nouvelle fois, au Grand Soir, nous avons l'occasion de mesurer les batailles que se livrent de gigantesques multinationales et des pays entiers moins importants  que celles-ci : le combat est rude, comme en Équateur. Là où règne la corruption à l'échelle mondiale, il ne faut pas céder un pouce.


Ne les laissez pas nous voler notre temps et nous pourrir la vie.

Chevron-Texaco / Chevron Toxico !

Chevron-Texaco : une firme toxique
L’entreprise étatsunienne Texaco, rachetée par Chevron, la deuxième entreprise pétrolière étatsunienne et la sixième du monde, en 2001 a opéré en Equateur de 1964 á 1992. Elle a creusé des centaines de puits dans le nord de l’Amazonie équatorienne. Entre 1972 et 1992 l’entreprise a extrait 1,5 millions de barils de pétrole. Jusque-là rien d’anormal. Oui mais voilà : dans le même laps de temps, Texaco a déversé dans l’Amazonie équatorienne pas moins de 71 millions de litres de résidus de pétrole et 64 millions de litres de pétrole brut sur plus de 2 hectares. Vous avez bien lu ! Des dizaines et des dizaines de millions de déchets toxiques (« résidus ») et de pétrole ont été intentionnellement déversé dans les eaux des rivières amazoniennes. Les mêmes eaux dans lesquelles les populations boivent, pêchent et se baignent ! On a poussé le crime à l’époque jusqu’à faire croire aux populations que les eaux contaminées par le pétrole les rendraient plus forts, qu’elles étaient grâce au pétrole devenues riches en minéraux et en vitamines... Résultats : les cancers, les malformations, les infections en tous genres et autres maladies directement liés au pétrole se comptent par milliers dans cette zone du pays.

Crime intentionnel ?Vraiment ? Vous demanderez-vous j’imagine. Oui. Intentionnel. Texaco avait à l’époque mis au point et breveté un système de réinjection des déchets toxiques dans la sous-sol qui devait permettre d’éviter le contamination des sols et des eaux qui prévalait auparavant. Et elle s’en est servie. Mais aux Etats-Unis, pas en Equateur ! Ici, la multinationale a choisi d’utiliser des techniques datant d’avant les années 1970 ! Pourtant, l’article 46 du contrat d’exploitation signé par l’entreprise et le gouvernement équatorien stipulait très clairement que Chevron s’engageait à utiliser les technologies à même de nuire à la faune et à la flore de la zone et d’éviter la contamination des eaux… Pire : 680.000 barils de pétrole ont été vidés dans cette zone, preuve supplémentaire d’un mépris total pour l’environnement amazonien et ses populations.

Le temps de la lutte et la sentence contre Texaco

De gros bénéfices en poche et sans le moindre égard pour les populations victimes de son odieux forfait, l’entreprise Texaco a quitté l’Equateur en 1992. A l’époque, les populations locales se sont organisées pour exiger des réparations à hauteur des dégâts environnementaux et des drames humains engendrés par la politique sans scrupule de la firme étatsunienne. En 1993, elles ont créé un Front : le Front de Défense de l’Amazonie. C’est ce Front, et non le gouvernement équatorien qui s’est battu sans relâche et a fini par obtenir qu’un tribunal équatorien accepte de juger les faits en 1997. Pour la petite histoire, Texaco a tout fait pour empêcher que le cas soit jugé par un tribunal étatsunien (comme le voulait initialement le Front de Défense de l’Amazonie), pensant que la justice équatorienne serait trop clémente car plus « docile ».

En 2011 la sentence tombe. Elle est implacable : Texaco est condamnée à payer 9,6 milliards de dollars et à faire des excuses publiques dans les six mois, faute de quoi la peine serait multipliée par deux. Texaco refusant obstinément de s’excuser en dépit de la sentence et de l’évidence de l’ampleur de la catastrophe, la peine fut donc augmentée et Texaco condamnée à payer 19 milliards de dollars.

Chevron en campagne : la bataille est politique 

Cette somme la firme Chevron (qui a racheté Texaco en 2001) refuse absolument de verser. Avec un chiffre d’affaire de rien de moins que 200 milliards de dollars, elle pourrait pourtant le faire sans problème. Et ce n’est pas tout. Chevron-Texaco ne se contente pas de refuser de payer. Elle dénonce le jugement et demande que le gouvernement équatorien, qui n’a pourtant rien à voir dans l’affaire, lui paie les 18 milliards de dollars demandés, preuve s’il en faut que la bataille est politique.
Premièrement, soyez certains que la compagnie pétrolière étatsunienne et comparses refusent que des peuples du Sud puissent gagner ne serait-ce qu’une bataille contre eux. Le risque est grand en effet, en cas de victoire, que d’autres se décident à se battre et remettent en cause ces pratiques criminelles très largement répandues. Deuxièmement, en attaquant l’Equateur à grand renfort de moyens (apprenez que Chevron débourse chaque année pas moins de 250 millions de dollars dans sa campagne médiatique et politique contre l’Equateur et que pas moins de huit entreprises de lobbying travaillent nuit et jour à cela, l’espionnage des militants en plus http://www.telegrafo.com.ec/actualidad/item/activistas-denuncian-persecucion-de-chevron.html ) l’entreprise cherche à ruiner politiquement et économiquement un gouvernement qui la dérange.

Le gouvernement équatorien n’est en effet pas n’importe quel gouvernement sur l’échiquier latino-américain (où Chevron investit beaucoup ces dernières années) et international. Il a renégocié d’une main de fer les contrats pétrolier dès 2007 inversant du tout au tout les bénéfices pétroliers entre les compagnies pétrolières et l’Etat : désormais c’est 80% pour l’Etat et 20% pour les compagnies pétrolières et plus l’inverse. Si Chevron veut négocier un retour sur place, elle devra se plier à ces conditions. Par ailleurs d’ici 2016 l’Equateur, qui investit à haute dose dans l’énergie et le savoir, sera exportateur net d’électricité. L’Etat équatorien deviendra donc un concurrent direct des marchands d’énergie globalisés et notamment...de Chevron qui investit elle aussi à haute dose précisément dans l’électricité !

Rajoutez à cela que le gouvernement a pris les spéculateurs à leur propre jeu en annonçant un défaut de paiement de sa dette, entrainant la dévaluations des titres de sa dette, puis en rachetant ’ensemble des titres en circulation à bas coût (http://www.jean-luc-melenchon.fr/arguments/comment-lequateur-sest-libere-de-la-dette/ ), et que par dessus le marché le gouvernement a créé une commission d’audit des traités bilatéraux d’investissements (qui protègent les investisseurs contre les Etats et l’intérêt général) et vous comprendrez vite que ces messieurs de la finance globalisée et autres pilleurs de ressources naturelles n’ont qu’une idée en tête : faire tomber Rafael Correa et son gouvernement au plus vite. Chevron ne lésine donc pas sur les moyens : une campagne de décrédibilisation brutale pour inquiéter les investisseurs potentiels et la menace de faire payer 18 milliards de dollars à pays dont le PIB est de 90 milliards de dollars (loin des 200 milliards de Chevron).

La bataille du temps : un enjeu de pouvoir

Les lignes qui vont suivre vont vous effrayer tout autant que ce qui a précédé et va vraisemblablement vous surprendre (à moins que vous ne soyez un professionnel du droit internatonal privé). Apprenez que la compagnie Chevron a décidé il y a peu de présenter une requête en « déni de justice » devant la Cour Permanente d’Arbitrage (http://www.pca-cpa.org/showpage.asp?pag_id=1026 ) mandaté par la CNUDCI, la Commission des Nations Unies pour le droit commercial internationalpour résoudre les litiges. La Cour Permanente d’Arbitrage n’était pas compétente pour traiter le cas car Chevron n’a pas fini d’épuiser les recours légaux possible en Equateur. Eh bien tenez-vous bien : non seulement la Cour Permanente d’Arbitrage s’est déclarée compétente mais elle l’a fait en se basant sur le Traité Bilatéral d’Investissement Equateur-USA signé en 1993 (soit un an après le départ de Texaco d’Equateur !) par le gouvernement du très droitier Sixto Durán et entré en vigueur en 1997 (soit 5 ans après le départ de Texaco d’Equateur !). Vous avez bien lu ! Un tribunal d’arbitrage international mandaté par l’ONU a décidé de faire fi de toutes les normes juridiques en vigueur et d’appliquer rétroactivement un traité signé après les faits en cause ! Et ce n’est pas tout ! Accrochez-vous bien : cette Cour Permanente d’Arbitrage a rendu pour verdict que le gouvernement équatorien devait interférer dans la justice de son pays pour empêcher que la peine à laquelle Chevron a été condamnée ne soit appliquée ! Non, vous ne rêvez pas ! Ce tribunal international d’arbitrage a bien demandé à un gouvernement républicain de rompre la séparation des pouvoirs qui est un de ses piliers ! Une aberration juridique et démocratique sans nom !

Cette application rétroactive d’un traité par un tribunal international d’arbitrage n’est malheureusement pas une première. L’Equateur est confronté à un cas similaire dans l’affaire Oxy. En voici un bref ´résumé. En 2000, la compagnie Occidental dite « Oxy » cède une part de ses droits à la compagnie pétrolière canadienne AEC sans requérir l’approbation préalable de l’Etat équatorien. Le contrat d’exploitation passé en 1999 entre Oxy et l’Etat équatorien et la loi sur les hydrocarbures en vigueur dans le pays stipulaient toutes deux pourtant très clairement que toute cession de droits devait être approuvée au préalable par l’Etat, et qu’en cas de violation des termes du contrat et de la loi, l’Etat pouvait déclarer le contrat caduc et mettre fin de fait aux activités de l’entreprise. Il était aussi clairement précisé dans le contrat qu’en cas de caducité il n’était « pas possible d’en recourir à un arbitrage international ». Conformément á ces clauses du contrat et á la loi, le gouvernement d’Alfredo Palacios (non non, pas celui de Rafael Correa mais bien celui qui l’a précédé, pourtant pas franchement progressiste) a donc déclaré le contrat caduc Equateur-Oxy en 2006.

Qu’à cela ne tienne : au mépris de tout respect du principe de sécurité juridique là encore, la compagnie Occidental a porté l’affaire devant le Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements (CIRDI en français, CIADI en espagnol) https://icsid.worldbank.org/ICSID/Index.jsp et figurez-vous que, là encore, le CIRDI a accepté de se saisir du cas. En Octobre 2012, le CIRDI rend son verdict. Tenez-vous bien : il décide de condamner l’Equateur à payer 1,7 millions de dollars à Oxy ! Les raisons avancées pour calculer le montant à payer sont elles aussi absolument fantasques. Premièrement, le CIRDI avance que la loi sur les hydrocarbures et le contrat passé entre les deux parties stipulaient que l’Etat « pouvait » déclarer la caducité du contrat mais que celui-ci n’y était nullement obligé. Il en conclu que l’Etat équatorien a été « trop dur dans l’application de la loi2. Vous avez bien lu ! Les marges de manœuvres permises par le droit ne valent pas, selon le CIRDI, quand c’est un Etat qui s’en sert ! Et peu importe si les textes juridiques les lui laissaient clairement. Attendez, vous n’avez pas encore tout vu : le CIRDI a basé le calcul de l’amende imposée à l’Etat équatorien sur les sommes qu’il estime que l’entreprise aurait gagnées de 2006 à 2012 sans tenir compte ni des cours du pétrole ni des impôts que l’entreprise aurait du payer à l’Etat ! Incroyable mais vrai… Le CIRDI, à l’instar de l’ensemble des systèmes d’arbitrage international, s’approprie le temps au bénéfice des firmes multinationales et transnationales.

Le contrôle du temps au profit des grands investisseurs est de fait une constante en la matière. Apprenez ainsi que la plupart des traités bilatéraux d’investissement dans le monde compte désormais une clause permettant aux investisseurs putatifs de contrôler le futur. Ceux-ci stipulent ainsi à l’unisson que tout investisseur peut porter plainte contre un Etat pour avoir modifier sa politique d’une façon qui pourrait affecter ses intérêts, y compris s’il n’a pas encore investit dans le pays. Les arbitres internationaux sont ainsi, à proprement parler, les tenanciers du temps au service de leurs principaux clients : les tenants du grand capital globaliser.

L’ALBA et le Foro de Sao Paulo soutiens politiques dans la bataille 

Heureusement l’Equateur n’est pas seul. Au sommet de l’ALBA, le 30 Juillet dernier à Guayaquil (http://www.jean-luc-melenchon.fr/2013/08/06/sur-la-piste-des-chefs-disparus/ ), les présidents et délégués des gouvernements membres ont adopté à l’unanimité une résolution par laquelle tous expriment leur soutien à l’Equateur dans les cas Chevron et Oxy et où tous dénoncent fortement le système d’arbitrage international. Voici l’extrait du texte en question, traduit par ma camarade Françoise Bague. Il est on ne peut plus clair.« Nous assistons actuellement à l’apparition de nouvelles formes d’exploitation, tels que les traités bilatéraux de protection des investissements et le fonctionnement d’instances d’arbitrage internationales comme le CIADI, outils qui placent les intérêts du capital avant ceux de la société, de la nature et de l’institutionnalisation démocratique elle-même, dans le contexte de la prolifération de Traités de Libre Échange (TLC). C’est par ces nouveaux mécanismes de domination que la stabilité de nos pays est mise en danger -même leur solvabilité économique - par des processus juridiques clairement entachés de nullité par l’abus et collusion d’intérêts. Sans aucun doute, les affaires d’Oxy et Chevron en Équateur constituent des exemples patents de ces pratiques et c’est pour cela que nous exprimons notre soutien à ce pays-frère lésé par ces affaires qui s’étendent à d’autres pays avec des magnitudes différentes.Tout cela n’implique pas le refus catégorique de l’Investissement Étranger Direct mais plutôt une relation intelligente avec celui-ci, de telle façon qu’il puisse être utilisé au bénéfice des nations et non optimisé à leurs dépends. Pour cela, un mécanisme d’intégration comme l’ALBA est indispensable. En tant que bloc nous pouvons imposer les conditions afin d’éviter que les intérêts du capital priment sur ceux de la population”

De même, le Foro de Sao Paulo, l’équivalent du Parti de la Gauche européenne au niveau latino amèricain (http://forodesaopaulo.org/), réuni en Sommet la semaine dernière à Sao Paulo, a insisté dans sa déclaration finale. « Nous sommes solidaires du peuple et du gouvernement (équatorien) confrontés aux tentatives de compagnies pétrolières d’imposer leurs intérêts au mépris de la souveraineté équatorienne en passant par des instances internationales fallacieuses » dit le texte travaillé avec Gabriela Rivadeneira qui représentait PAIS, le mouvement du Président Rafael Correa au Foro de Sao Paulo.
Pour autant les soutiens des partis et de la société civile internationale ne peuvent pas manquer à l’appel. L’enjeu nous concerne toutes et tous. Si nous laissons ces tribunaux d’arbitrage remettre en question la sécurité juridique pour mieux répondre aux intérêts particuliers des « puissants », c’est-à-dire les « super riches » qui se permettent de vivre au-dessus de tous les autres et même au-dessus des lois, nous nous annihilons en tant que citoyennes et citoyens de nos Etats et du monde, égaux devant la loi. En tant que progressistes, rester inactifs serait en quelque sorte se couper les mains car ce système détestable est en mesure, s’il triomphe, de mener á la ruine l’un des gouvernements progressistes les mieux élus, les plus ambitieux et les plus efficace du moment (http://www.celine-meneses.eu/en-direct-de-linvestiture-du-president-rafael-correa/ ) . Cela donnerait une assurance plus démesurée encore qu’actuellement aux « puissants » face aux gouvernements progressistes que nous ne manqueront pas de former dans les années á venir en Europe et ailleurs.

Il y a donc urgence à rentrer dans la bataille et à diffuser la vérité. Cet article se veut être un premier outil en ce sens.

Céline MENESES
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