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dimanche 25 octobre 2015

Sivens un an plus tard : la bavure qui n'en était pas vraiment une

Quand face à des défenseurs de l'environnement sans arme, la hiérarchie policière approuve l'emploi de grenades offensives, il se passe quelque chose. On y voit une funeste analogie avec ce qui se passe en Palestine occupée. D'un côté, une véritable armée avec ses protections, ses boucliers, ses armes létales, et le feu vert pour "y aller". De l'autre des défenseurs de la Terre, qui est la chose qu'il faut défendre au nom de tous nos enfants. Ceux-là ont tout au plus des cailloux.


Saurons-nous vraiment ce qui s'est passé ? Est-ce un ordre trop pris "à la lettre", ou une initiative hasardeuse ? Ce ne fut pas, ce jour-là (26 octobre 2014) et selon les témoins, la seule grenade offensive lancée, mais entre 30 et une cinquantaine selon les sources : ordre avait donc bien été donné d'utiliser ce qui est une véritable arme de guerre individuelle comme le FAMAS bien connu de ceux qui en voient dans les gares, ou le PA MAC toujours en usage, que j'ai eu l'occasion d'utiliser grâce (euh) à la conscription. Il y eut donc au moins une imprudence dans la chaîne de commandement, à laisser mettre en œuvre de tels "outils".  Et une imprudence à oser les utiliser contre des personnes non dangereuses. Nous avons bien dit "au moins", car il se peut que ce choix ait été délibérément assumé (mais non revendiqué). En comparaison, les centaines de simples grenades fumigènes lancées au cours de l'affrontement sont anecdotiques.

Quoi qu'il en soit désormais, le ministère de l'Intérieur, dont dépendent les gendarmes mobiles, est en première ligne pour avoir au moins permis, ou n'avoir pas interdit, ces armes-là. Il est bien connu des militaires, malgré les dénégations du ministère, que ces grenades à la détonation impressionnante peuvent tuer si une personne est atteinte par le bouchon allumeur... les instructeurs des bidasses y insistent bien.

En hommage à Rémi Fraisse, je tiens à faire figurer ici le billet de Romain Jammes, qui connaît le Testet pour y être allé. Au revoir Rémi, paix à ta mémoire, paix à la Terre.



Des crachats sur la tombe de Rémi Fraisse

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Pour ce retour de l’Art et la Manière, j’aurais aimé être plus grandiloquent. Mais je crois que le ton ne s’y prête pas ici. Vous savez parfois, l’indécence atteint de tels sommets qu’on a envie de revenir à des choses simples, épurées, tellement la situation parle de soi.
Dimanche, ça fera 1 an que Rémi Fraisse est mort, sur le lieu du saccage de la forêt de Sivens. Un « anniversaire » qu’on est beaucoup à vouloir commémorer, pour s’être battus à ses côtés et pour avoir partagé les idées pour lesquelles il est mort. Sauf qu’une mort politique, ce n’est pas une mort comme les autres…

Le barrage de Sivens

Je vais pas vous refaire l’historique en détail. Le barrage de Sivens, c’est le genre de projet qui traine dans les tiroirs de notre bureaucratie depuis des décennies. Comme un fameux aéroport près de Nantes. Bref, un projet qui date, et pour lequel les agriculteurs (en fait, la FNSEA) reviennent régulièrement à la charge.
Pourquoi un tel barrage ? Théoriquement pour permettre l’irrigation des champs de maïs… Parce que le maïs, à la base, c’est pas forcément fait pour pousser dans le Tarn. Derrière le projet, il y a donc le débat sur le modèle agricole qu’on souhaite. Le barrage est sur-dimensionné, les enquêtes publiques et les institutions écolo (FNE,…) font la gueule mais il en va de la virilité du porteur de projet qui s’obstine à faire plaisir à son électorat : le président du Conseil Général.
Chemin faisant, les contestations prennent de l’ampleur, et l’affrontement devient logique. Une ZAD s’installe à Sivens pour « empêcher » la destruction d’une partie de la forêt (d’autant qu’elle a commencé en toute illégalité). Le 25 octobre a lieu le premier grand rassemblement national.

Le jour J

Ce jour nous sommes pas mal à être sur place. Les potes et moi on est venus 2 ou 3 fois filer des coups de mains, des vivres pour ceux qui restent la nuit. C’est un samedi, il n’y a pas de chantier, rien a protéger, pourtant, les flics sont là et de manière ostentatoire à partir d’une certaine heure. Pour quelle raison ? Protéger les arbres déjà coupés ? Ceux qui vont l’être ?
Logiquement, les affrontements ont fini par arriver. Cette provocation en amenant d’autres… Rémi se prend une grenade offensive dans le dos, une des nombreuses jetées ce soir là. 70 grammes de charges explosives, le type d’arme qu’on utilisait dans les tranchées de la grande guerre… normal. Paniqués, les flics le trainent sur 40 mètres pour cacher le corps.
La nouvelle nous arrive le lendemain. Pour l’Intérieur pas de doute sur la raison du décès, mais rien ne filtre et les pouvoirs publics laissent aller les rumeurs. Les parents de Rémi apprendront par la presse la raison de la mort de leur fils… On a fait plus délicat, et c’est le début d’une gestion plus que honteuse du drame.

Cracher sur sa tombe ?

J’aurais aimé que l’expression soit vraie. En vérité, Rémi Fraisse n’a toujours pas de tombe. Et il s’est écoulé plusieurs semaines avant que sa famille ne puisse voir le corps. Suite au drame le gouvernement essaye de calmer le jeu et laisse les milices de la FNSEA se charger des zadistes qui restent. Les violences se multiplient à leur égard, comme à l’égard des habitants qui osent les aider. Comme depuis le début, la presse fait le garde chiourme.
Identifier la responsabilité de la mort de Rémi n’est pas facile, au final il n’y en aura pas. Est-ce que c’est le flic qui a jeté la grenade ? Celui qui lui a dit de le faire ? Celui qui a prévu l’opération ? Le Préfet ? Le Ministre ? Non, rien de tout ça : c’est la faute à pas de chance.
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Un drôle d’anniversaire

Mais ce n’est que le début. Un an après, le conflit est toujours chaud. Les collectifs contre le barrage veulent organiser une marche commémorative à Sivens. La FNSEA annonce un rassemblement au même lieu en faisant planer des menaces sur ceux qui viendront. La maire de Lisle-sur-Tarn et le préfet prennent ce prétexte pour interdire le rassemblement. Après avoir laissé faire sa milice, les autorités publiques se font dicter leurs décisions par la FNSEA… Tout va bien.
Un rassemblement officiel est donc organisé à Plaisance du Touch, près de Toulouse. Après avoir caché les raisons de la mort de Rémi, y compris aux parents. Après avoir louvoyé pour se renvoyer la patate chaude des responsabilités, après avoir empêché la famille de voir le corps, de pouvoir l’enterrer encore aujourd’hui… Même la commémoration de sa mort est méprisée.
Dimanche, avec d’autres, j’irai donc à Sivens pour ne pas me laisser intimider de cette manière. J’irais pour rendre honneur à Rémi et à toutes celles et tous ceux qui ont lutté, y compris violemment, contre ce projet destructeur. J’irais pour dénoncer l’indécence de cette situation, cette façon abjecte de cracher sur sa tombe…

Romain JAMMES

vendredi 2 octobre 2015

Les prolétaires ont une patrie, sinon... ils n'ont rien

Je visionnais une vidéo de la Compagnie Jolie Môme, et quelque chose ne passe pas pour moi dans le message. " Les prolétaires n'ont pas de patrie " !


Je pense qu'il y a confusion. L'Internationale pour laquelle je milite n'a rien à voir avec la mondialisation. Chaque pays en raison de données géographiques, climatiques, historiques, a ses particularités, et c'est tant mieux pour la diversité.

Sous la protection de frontières, on peut réussir à créer un point rouge, où enfin les dominés, les opprimés, les écrasés par la lutte des classes réussiront à renverser l'horrible hydre capitaliste. Par émulation d'autres suivront, protégés eux aussi par des frontières. Et puis d'autres.

La grande faute de ce qu'on appelle "extrême gauche (NPA, LO) est d'être tombée dans la mondialisation perverse, dont ils ne se relèveront pas. La planète entière ne se soulèvera pas à la fois, et c'est bien là où "les autres" les attendent. "Les autres", possèdent les banques, partout. Ils possèdent une part importante des médias, partout. Ils sont main dans la main avec les industries d'armement et celles de l'alimentation, du monde entier, avec les stocks de nourriture qu'ils peuvent bloquer s'il leur en prend envie.

Oui, il faut enfin revenir à l'Internationale, la fraternité entre les nations. Et les prolétaires ont une patrie, sinon... ils n'ont rien.

La grande perversité des Grands de Ce Monde aura été de soudain, à coups de millions de dollars (il ne faut pas se voiler la face), déclencher un exode massif probablement à grands coups de propagande, de pots de vin,  de conflits allumés en des points précis. Auparavant, aura été instauré cette aberration qu'est l'espace de Schengen pour transformer en Titanic un navire aux caissons de cale bien séparés.

Tous ces pauvres gens du monde, effrayés, hagards, se précipitent vers ce qu'on leur a dépeint comme un Eldorado chatoyant. Il en tombera en route ? Qu'importe, il en restera bien assez, arrivés à pied d'œuvre, pour accepter de travailler pour un bol de riz par jour, même si ce sont des diplômés. Plus besoin de se déplacer pour recruter très loin un Lumpenproletariat : c'est lui qui se présente directement. Déraciné, bousculé, il acceptera tout. Même l'innommable, même le détestable, même pire encore.

Ne nous y trompons pas : avec un peu de temps, toutes ces personnes arrivées cahin caha jusqu'ici réussiront à se placer, s'il ne continue pas à en arriver toujours plus bien entendu. C'est à un État nouveau, complètement opposé à la catastrophe actuelle, d'y remédier, et cela peut marcher. C'est Michel Rocard, que je n'apprécie pas souvent, qui avait dit « La France ne peut accueillir toute la misère du monde, (mais elle doit en prendre sa part). » Et petit à petit, comme il y a environ 75 ans les Républicains espagnols, les nouveaux venus finiront par s'insérer dans notre nation et lui apporter leur part, car une nation fermée est une nation morte.

Bien entendu, pour cela, et j'y insiste, les frontières devront y jouer un rôle, pour canaliser les flots de personnes (en particulier quand il est soupçonné que certaines ne pourraient être que des infiltrés aux intentions suspectes).  Canaliser n'est pas interdire. Le but n'est pas de rejeter les plus démunis, comme le ferait le Front National (c'est son principal argument, ce qui en donne le niveau), mais au contraire de les protéger et de les aider à devenir citoyens à leur tour, un jour. Comme le faisait dire à ses acteurs des Mariés de l'An II Michel Legrand, "Les sans-patrie sont français".